Patrick Cohen, Nicolas Demorand, Léa Salamé et d’autres interprètent leur propre personnage dans Baron noir, la série de Canal+. Au risque de brouiller les cartes ?
“Il est assez normal que dans une fiction politique apparaissent des journalistes qui interviennent aussi dans la politique. Ça a toujours existé dans les films”, assure Patrick Cohen. Il est vrai, le présentateur phare d’Europe 1 n’en est pas à sa première apparition télévisuelle. Deux ans après Marseille, la série politique de Netflix, c’est dans Baron noir, saison 2, que “Patco” joue son propre rôle. Aux côtés d’Anne-Sophie Lapix, sur le plateau de C à vous, où il est chroniqueur, il interviewe Michel Vidal, un Jean-Luc Mélenchon fictif incarné avec brio par François Morel.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Patrick Cohen n’est pas le seul journaliste à apparaître dans la saison 2. Au cœur de la série, le politique est toujours concurrencé, voire augmenté, par son partenaire médiatique. Emissions de télé, de radio, annonces surprises à la sortie de l’Assemblée nationale, toutes concourent à rendre audibles les déclarations des politiciens. On croise donc Sonia Mabrouk de CNews, Salhia Brakhlia de BFMTV ou bien encore Julian Bugier de France 2.
Une preuve de crédibilité ?
C’est simple, “tous les rôles de journalistes de la série ayant du dialogue ont été joués par de vrais journalistes, parfois dans leur propre rôle”, affirme-t-on du côté de la production. Et ils ont été payés, “un peu plus qu’une pige de journaliste télé”, dévoile Lionel Top de BFM TV, “un petit cachet, moins de 500 euros en tout cas”, se souvient Cohen. Pour le présentateur Lionel Top, qui apparaît dans les épisodes 3 et 8, ces participations sont flatteuses.
“C’est une reconnaissance pour notre média, pour le travail qu’on fait tout au long de l’année en tant que journalistes.” Selon lui, il s’agit d’une preuve de crédibilité : “En nous demandant de parler avec notre phrasé de journaliste, au lieu d’embaucher un comédien, la série cherche à éviter la caricature. On fait ce qu’on connaît au quotidien, sans devoir jouer ni surjouer.”
“Avoir une base crédible pour que le travail de la fiction soit d’autant plus fort”
Pour Nicolas Demorand, les apparitions de journalistes dans Baron noir relèvent de ce que Roland Barthes appelait les “effets de réel”. “Dans le cadre d’une série dont tout le monde dit qu’elle est très documentée, qu’on y retrouve des réalités du monde politique, il est intéressant de croiser de vrais journalistes. Ça permet d’avoir une base crédible pour que le travail de la fiction soit d’autant plus fort.”
François Jost, professeur à la Sorbonne, explique pourquoi ça fonctionne : “Au cinéma, la fiction existe parce qu’il y a des acteurs. Mais voir Patrick Cohen à l’écran, c’est différent : il ne joue pas véritablement un autre rôle que le sien. C’est l’intrusion d’une personne réelle au milieu de ‘personnages’ qui renforce la crédibilité de l’ensemble”.
“On ne sait plus bien qui dit quoi”
Ce spécialiste des médias reconnaît toutefois que le téléspectateur peut y perdre son latin : “Dans Baron noir, les personnages de journalistes sont ambigus : c’est le vrai Patrick Cohen mais ce n’est pas le texte original de Patrick Cohen, on lui a écrit des répliques. Il peut y avoir une hésitation du spectateur : sachant ce que je connais de Patrick Cohen en tant que téléspectateur, est-ce qu’il a pu prononcer cette phrase, réellement, ou est-ce le travail du scénariste ? On ne sait plus bien qui dit quoi.”
Pour coller au plus près de la réalité, les journalistes ont pourtant été libres de modifier le scénario. Dans une scène où l’épigone de Mélenchon joué par François Morel l’interpelle en lui demandant “Vous êtes un démocrate, monsieur Cohen ?”, et où l’intéressé réplique : “Disons que je suis attaché à certaines valeurs”, l’animateur d’Europe 1 tient à préciser : “Le dialogue qui avait été écrit par les auteurs ’impliquait de façon un peu personnelle, ce qui dans la vraie vie n’arrive pas vraiment.” François Morel, son interlocuteur, a donc modifié quelques formulations, tout en gardant le ton de “l’homme politique qui, comme ça arrive parfois, essaie d’embarrasser l’intervieweur”.
“Si je faisais le clown ou que je lançais des tartes à la crème…”
Idem du côté de la Maison de la Radio, où Nicolas Demorand et Léa Salamé interrogent Cyril Balsan (joué par Hugo Becker), l’élu PS dans la tourmente suite à ses positions controversées sur la mixité à l’école. Nicolas Demorand a également retouché les dialogues : “Il y avait un scénario qu’on a essayé de suivre avec Léa, mais au bout de deux prises, quelque chose n’était pas naturel, ne fonctionnait pas. Donc on a dit au scénariste qu’il fallait nous laisser faire, comme si on était vraiment en studio, dans une interview classique. Ça a aussi permis à l’acteur d’être plus naturel, plus en colère, plus aigu dans certaines réponses.”
Nicolas Demorand insiste sur l’aspect divertissant de cette expérience : “Avec Léa Salamé, on s’est prêtés au jeu parce que c’est amusant, mais je ne suis pas acteur et pas destiné à faire ça tout le temps.” Pas de mélange des genres entre journalisme et divertissement, veut également croire Patrick Cohen : “Si je faisais le clown ou que je lançais des tartes à la crème… mais là, c’est une partition qui reste très sérieuse. Je n’ai pas l’impression de me compromettre.”
Baron Noir Tous les lundis, 21 h, Canal+
{"type":"Banniere-Basse"}