Cuir « vegan », acétate « bio », coton « organique », les valeurs écologiques et végétalistes sont devenues le fil rouge de nombreuses collections. Focus sur cette prise de conscience « green » qui ouvre de nouvelles perspectives à la génération de créateurs en devenir. Fin janvier, la célèbre maison Chanel présentait sa collection haute-couture au coeur d’un jardin zen célébrant la […]
Cuir « vegan », acétate « bio », coton « organique », les valeurs écologiques et végétalistes sont devenues le fil rouge de nombreuses collections. Focus sur cette prise de conscience « green » qui ouvre de nouvelles perspectives à la génération de créateurs en devenir.
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Fin janvier, la célèbre maison Chanel présentait sa collection haute-couture au coeur d’un jardin zen célébrant la nature. La machine de guerre estampillée double C, connue pour ses décors gigantesques et ses huit collections par an troquait, le temps d’un défilé, le tweed pour la paille et le bois. A l’issue du show, Karl Lagerfeld expliquait : « L’écologie est un des thèmes de notre époque (…) D’habitude, tout ce qui est écologie est associé à des gens pas très soignés ! » L’émergence d’une mode éco-consciente tend à aujourd’hui renverser cette idée, dévoilant bien plus que des silhouettes « belle des champs » et des discours flower power. Aujourd’hui de nombreux jeunes créateurs s’inscrivent dans cette envie d’une mode durable : lunettes en bois de chêne chez « Waiting for the sun », jean vegan pour « Naked and Famous », tissage traditionnel effectué par la créatrice British Faustine Steinmetz. Leurs créations étant désormais accueillies dans des concept-stores spécifiquement dédiés à une mode éthique comme le concept-store parisien « Centre Commercial », ouvert par les deux fondateurs de la marque de baskets équitables Veja. Ces derniers proposent une sélection de créateurs qui se tournent uniquement vers la production locale et les matières écologiques comme Christine Phung, « Bleu de Paname », Valentine Gauthier.
Une mode durable à l’encontre du « consommer-jeter »
Pour Patricia Romatet, directrice d’études à l’Institut Français de la Mode, cette prise de conscience écologique s’explique par « l’état de saturation dans lequel se trouve la production textile, marquée par le constant va et vient du consommer-jeter », ce cercle infernal imposé par la fast-fashion. Les consommateurs portent de plus en plus leur attention sur la qualité du tissus ainsi que sur le processus de création du vêtement. Brandon Svarc, créateur de la marque de denim «Naked & Famous » vient tout juste de sortir le premier jean 100% végétalien spécifiquement réclamé par sa clientèle : « Nous recevions beaucoup d’e-mails de nos clients qui réclamaient un jean vegan. Donc on a commencé par proposer un service où l’on pouvait remplacer les patchs en cuir par des patch synthétiques non issus de la production animale. Ce service est devenu tellement populaire que nous nous sommes penchés sur le jean vegan et bio dans sa totalité. » explique-t-il. La marque va même jusqu’à estampiller ce denim « Gluten Free », puisque crée sans farine et sans céréales comme le blé, clin d’œil à cette communauté, influente en demande de gammes eco-responsables.
« L’alliance du design, de la créativité et de la recherche de nouveaux matériaux »
Souvent cette engagement pour une mode durable est la traduction des convictions personnelles du créateur : « Il est question de sa philosophie de vie, qu’il veut cohérente avec sa marque », poursuit Patricia Romatet. Il ne s’agit pas d’une approche « mode » à proprement parler mais d’une approche plus fondamentale liée au style de vie vegan/eco/veggie du créateur. Un style de vie vitrine d’une marque écologique qui se diffuse de manière plus « contemporaine » d’après la directrice d’études de l’IFM qui décrit ces initiatives comme « l’alliance du design, de la créativité et de la recherche de nouveaux matériaux ».
Loin de l’esprit « néo-baba », la mode écologique ne se réduit plus seulement à une imagerie végétale et brute parfois peu attrayante, elle devient glamour et se prévaut d’une esthétique aussi sophistiquée que les pièces traditionnelles. Pour preuve, la collaboration de chaussures Amélie Pichard x Pamela Anderson qui lie à la fois esthétique pin up 70’s chère à la créatrice et cause animale et environnementale défendue par l’actrice. Une collection crée autour du rejet du cuir et du processus industriel extrêmement polluant de tannerie des peaux qui comporte son lot de difficultés. Car dans cette mode alternative, tout semble à inventer. Amélie Pichard elle-même expliquait au magazine Antidote : « Quand j’ai commencé à chercher par quoi remplacer le cuir, j ai vite réalisé qu’il n’existait pas grand chose et j’ai vraiment galéré. Le plus compliqué, c’était la doublure. J’ai fini par trouver un polyuréthane respirant antibactérien mais c’était très compliqué… ».
Un modèle « green » prometteur mais couteux
Une difficulté qui limite les créateurs dans l’expérimentation et la création de nouvelles matières : le coût de production bien supérieur à celui des collections traditionnelles. En effet, l’emploi d’ingénieurs spécialisés ou l’utilisation de techniques traditionnelles et manuelles influencent considérablement le budget création d’une collection.
Les difficultés économiques sur ce genre de modèles se font d’ailleurs très vite sentir comme confiait la créatrice Stella McCartney, à l’origine d’une des premières collections éco-conscientes au site Business Of Fashion : « Le coût de revient est 70% de fois supérieur au coût traditionnel. On absorbe cette augmentation via notre marge qui nous pousse à ne pas élever le prix des produits ». Un défi relevé qui a finalement porté ses fruits, la marque éponyme étant devenue rentable quatre ans après sa création en 2001. De bonne augure donc pour le style green qui malgré son caractère encore « niche » semble s’être solidement imposé dans le paysage mode. Une petite révolution qui germe au coeur du marasme de la production de masse.
Par Chloë Fage
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