L’agression de la lanceuse de disque Daisy Osakue met en lumière le climat d’intolérance mortifère qui grandit en Italie, sous l’influence de Matteo Salvini.
Le visage de Daisy Osakue, athlète italienne d’origine nigériane, blessée à l’œil gauche suite à une agression le 29 juillet, a fait le tour de l’Italie, et au-delà. Il est devenu en quelques jours le symbole du climat d’intolérance qui grandit sur la péninsule, sous l’influence notamment de son ministre de l’Intérieur, Matteo Salvini, chef de la Ligue du Nord (extrême droite) – bien que le motif raciste de l’agression a finalement été exclu par le procureur le 31 juillet, car le même mode opératoire a été utilisé quelques minutes après contre un homme blanc.
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“J’étais effrayée, je croyais que c’était de l’acide”
La lanceuse de disque de 22 ans, un des grands espoirs de l’athlétisme italien, rentrait chez elle dans la nuit du 29 au 30 juillet, à Moncalieri, dans les environs de Turin, quand une voiture s’est approchée d’elle à grande vitesse. L’un de ses occupants lui a alors lancé un œuf, qui l’a atteinte en plein visage. En éclatant sur sa tempe, le projectile a endommagé la cornée. Soignée à l’hôpital ophtalmique de Turin, elle déclarait à la télévision italienne quelques heures plus tard : “J’ai senti un choc très fort au niveau de mon œil. Je me suis jetée à terre, et lorsque je me suis touché le visage, j’ai senti ce liquide. J’étais effrayée, je croyais que c’était de l’acide”.
Daisy Osakue, 22 years old, is the most talented under 23 Italian athlete in the discus throw. She was injured by a bunch of guys in a allegedly racial-motivated attack
If so, this is just the last of such shocking attacks recently occurring in #Italy
I’ll thread about this later pic.twitter.com/uZe31k40dU— Antonello Guerrera (@antoguerrera) July 30, 2018
Cette attaque a mis en péril sa participation aux championnats d’Europe, qui se tiendront à Berlin du 6 au 12 août. Sa médiatisation, en raison de la notoriété de la victime, met en lumière un contexte plus général de multiplication des pressions racistes en Italie. Daisy Osakue a d’ailleurs mis les points sur les « i » à ce sujet : “Ils l’ont fait exprès. Ils ne cherchaient pas à me frapper moi en particulier, mais une jeune femme de couleur. J’ai déjà été victime d’actes racistes auparavant, mais seulement verbaux. Quand on passe des mots aux actes, cela signifie qu’une nouvelle barrière a été franchie”. Même si le procureur a rejeté le motif raciste, il est vrai qu’une vague d’intolérance se propage en ce moment en Italie.
“Ils ont craché sur le visage de ma fille”
En effet, en moins de deux mois, une dizaine de cas ont été recensés, et les actes de racisme ont augmenté de 10 % par rapport à l’année dernière. Dans la nuit de samedi à dimanche, un Marocain de 43 ans a été pris en chasse et frappé à mort par ses assaillants, qui le prenaient pour un cambrioleur, au sud de Rome. A Palerme, un Sénégalais de 19 s’est effondré sous les coups d’un groupe d’Italiens qui le traitaient de “sale nègre”, rapporte notamment 20 Minutes. “Ils ont craché sur le visage de ma fille. Ils nous ont menacés en nous disant de rentrer dans notre pays”, raconte aussi Sonya Val Melaina, victime d’une agression à Rome, à France 2.
Le ministre de l’Intérieur, Matteo Salvini, leader de la Ligue du Nord, a immédiatement condamné des “faits inacceptables”, concernant l’agression de Daisy Osakue, sans évoquer les autres cas. Alors que l’opposition l’accuse de nourrir le racisme, il a répliqué, depuis la plage de Milano Marittima (Emilie-Romagne) : “Il y aurait un climat raciste en Italie ? Ne disons pas de bêtises. Chaque agression doit être punie et condamnée, mais l’immigration de masse permise par la gauche ces dernières années n’aide pas”.
Un abbraccio fortissimo a #DaisyOsakue, ennesima vittima di violenza razzista. Non arrendiamoci a questo clima d'odio: siamo in tanti, facciamo sentire la nostra voce: #bastarazzismo! pic.twitter.com/em03G50rN1
— Cécile Kyenge (@ckyenge) July 30, 2018
Quand Matteo Salvini singe Mussolini
Il avait usé de la même rhétorique pour relativiser la fusillade raciste de Macerata, perpétrée par un militant de la Ligue en février dernier. De plus, comme le remarque L’Obs, Matteo Salvini ne se prive plus de citer le leader fasciste Mussolini le jour de son anniversaire (“Beaucoup d’ennemis, beaucoup d’honneur”, a-t-il tweetté en référence au “Duce”).
Tanti nemici, tanto onore! 😘 https://t.co/NdFjsSkZLw
— Matteo Salvini (@matteosalvinimi) July 29, 2018
Sa stratégie semble fonctionner : il reste crédité de 50% d’opinions favorables, et la Ligue est au plus haut dans les sondages, selon Le Monde. “En fait, toute la technique de communication de Salvini est de bien montrer aux Italiens que des gens le haïssent. Et comme il le dit, il répond avec de l’amour. Il s’agit de signaler aux électeurs italiens que c’est bien la personne qu’il faut, dans la mesure où il s’oppose à d’autres gens”, analyse pour Franceinfo le politologue spécialiste de la vie politique italienne Christophe Bouillaud.
L’agression de Daisy Osakue a néanmoins suscité une vive émotion dans le pays, et a attiré l’attention de la population sur la recrudescence d’actes racistes en Italie, en dépit des dénégations de Matteo Salvini.
Forza Daisy! #DaisyOsakue pic.twitter.com/Vdh20AzGL3
— Gianluigi Buffon (@gianluigibuffon) July 30, 2018
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