En Inde, des musulmans ont été agressés, voire tués, car soupçonnés d’avoir mangé du bœuf. Des faits qui confirment l’influence croissante des extrémistes hindous, et un repli identitaire qui en rappelle d’autres.
Fin septembre, dans l’Uttar Pradesh, au nord de l’Inde, un musulman de 50 ans a été battu à mort par ses voisins hindous, convaincus qu’il avait mangé du bœuf, alors que l’hindouisme considère les vaches comme sacrées et en prohibe la consommation. Depuis, pas une semaine sans un incident du même genre. Mi-octobre, dans l’Himachal Pradesh, le chauffeur d’une bétaillère était pris à partie et tué par une milice hindouiste. Au Cachemire, la foule a brûlé un musulman soupçonné d’avoir tué une vache.
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Toujours au Cachemire, un député a été battu en pleine séance du parlement local, après avoir organisé un repas servant du bœuf. A Delhi, la police fédérale indienne a cru bon d’inspecter la cuisine de la cantine d’un bâtiment officiel de l’Etat du Kerala à la recherche de bœuf. Simple mesure de prévention… Fin octobre, c’est un documentaire sur les habitudes culinaires des Indiens en termes de viande de bœuf qui a été retiré du programme d’un festival de Delhi par “mesure de sécurité”.
Premier exportateur mondial
On ne soulignera jamais assez le paradoxe de la situation : les Indiens sont loin d’être strictement végétariens. Certes, la plupart ne consomment pas de bœuf, mais ils ne dédaignent pas un plat de buffle au curry de temps en temps. C’est même une des spécialités du Kerala. Par ailleurs, en fournissant 20 % de la production de viande bovine, l’Inde en est le premier exportateur mondial. On ne saurait mieux illustrer l’hypocrisie de ce qui passe pour être une prescription religieuse.
Pourquoi une telle crispation sur la viande de bœuf ? D’abord, l’affaire est ancienne. Depuis 1949, l’article 48 de la Constitution indienne stipule que l’Etat doit faire en sorte d’interdire l’abattage des vaches. Et de nombreux Etats indiens ont effectivement adopté des mesures interdisant l’abattage, voire même la consommation de bœuf sur leur territoire. Des lois évidemment contestées par la minorité musulmane qui y voit une discrimination flagrante. Mais jusqu’ici, leur application, bien que satisfaisant les hindouistes militants, laissait à désirer – ce qui permettait aux musulmans de continuer d’en consommer discrètement.
Tabou alimentaire et identité nationale
L’arrivée au pouvoir du BJP, un parti ouvertement hindouiste et nationaliste, a donné des ailes aux plus radicaux. Pour eux, les “mangeurs de bœuf” ne sont pas de vrais Indiens, confondant à dessein tabou alimentaire et identité nationale. Cette confusion qui vise les musulmans, a donc fait des morts.
Au fait, ça ne vous rappelle rien ? Ce sont les mêmes arguments qu’emploie en France l’extrême droite lorsqu’elle organise des “soupes au cochon” ou “identitaires”. Et d’une façon plus insidieuse, c’est le message passé par certains maires lorsqu’ils prennent prétexte d’une stricte observance de la laïcité pour interdire les menus de substitution dans les cantines scolaires.
Derrière ces décrets détestables, il y a l’idée, comme en Inde, qu’un musulman – ou un juif – ne serait pas vraiment français. Pour que la comparaison soit complète, il ne reste plus qu’à attendre les victimes, non ?
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