Si certains temples recèlent d’immenses trésors constitués grâce aux dons des fidèles, les Indiens eux-mêmes thésaurisent à outrance le précieux métal. Mais toute cette richesse ne profite pas à l’économie.
Imaginez des temples centenaires dont les entrailles renferment des chambres fortes gardées par des serpents. Certaines sont si secrètes que l’on en a perdu l’entrée. Toutes sont pleines de statuettes, de bijoux, de monnaies d’or pur. J’ai perdu la raison ? Pourtant, lorsqu’en 2011 un tribunal de l’Etat du Kerala a sommé au temple Sree Padmanabhaswamy de forcer les portes d’une de ces pièces pour répondre d’accusations de mauvaise gestion, les inspecteurs de police n’en sont pas revenus. Les milliers de sacs remplis de poudre d’or rivalisaient avec des bijoux en or incrustés de pierres précieuses. Les statuettes de dieux et de déesses étaient, elles aussi, coulées dans le précieux métal : le trésor du temple a été estimé à quinze milliards d’euros.
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Pourquoi ne pas avoir ouvert cette chambre forte auparavant ? A cause d’une légende digne d’Indiana Jones qui assurait que le trésor était gardé par des serpents venimeux. A l’époque, cette histoire a émerveillé le pays et rappelé la fabuleuse richesse des temples. Car lorsqu’en Inde on fait un don à une divinité, il ne peut être de papier monnaie : seuls l’or, l’argent, les pierres précieuses siéent aux dieux.
Plus de mille milliards d’euros
On connaît l’appétit des Indiens pour l’or : ils en importent tous les ans environ mille tonnes. Ce qui fait d’eux, selon les années, le premier ou le deuxième importateur au monde, avec la Chine. Une addiction qui coûte cher : il y a deux ans, l’once d’or a atteint des sommets et le métal a compté pour un tiers du déficit commercial. En valeur, l’or est le deuxième poste d’importation de l’Inde après le pétrole. Résultat : alors que la Banque centrale indienne ne conserve guère dans ses coffres plus de cinq cents tonnes d’or, les Indiens en thésaurisent vingt-deux mille tonnes, dont deux mille cinq cents rien que pour les richissimes temples. Une fortune évaluée à plus de mille milliards d’euros.
Le problème est que ce trésor ne sert à rien. C’est-à-dire qu’il est stocké, jamais ou peu monétisé et encore moins investit. Les pires accapareurs étant bien entendu les temples : leur trésor est inaliénable (il appartient aux dieux). Les autorités ont bien tenté de les inciter à sortir l’or des chambres fortes pour les déposer en banque, mais l’idée a eu peu de succès. Transformer l’or des dieux en roupies sagement décomptées par des banquiers intouchables : sacrilège !
Trésor assoupi
Certains ont été plus créatifs : en échange du dépôt en banque des tonnes d’or du temple Tirumala Tirupati Davasthanams, dans l’Etat d’Andhra Pradesh, des prêtres ont obtenu des intérêts annuels payés… en or ! L’honneur est donc sauf. D’autres temples, croulant sous les offrandes, organisent des enchères : les bijoux, les pierres précieuses et les monnaies d’or sont ainsi dispersés. Certaines pièces s’arrachent pour quatre fois leur valeur : ne sont-elles pas bénies des dieux ?
Pourquoi cet intérêt pour l’or des Indiens ? Parce que le gouvernement du très pieux Narendra Modi veut mobiliser ce trésor assoupi. Fin mai, il lancera un plan national à destination des temples et des Indiens. Mais quelque chose me dit que l’or des dieux pourra continuer son long sommeil monétaire au plus profond des temples dédiés aux divinités millénaires de l’hindouisme.
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