Pour sa série “Faubourg”, le photographe François Prost a sillonné la banlieue parisienne à la recherche des plus beaux immeubles, parfois de vraies prouesses architecturales. Les “choux” de Créteil, les “camemberts” de Noisy-Le-Grand… Aux antipodes des représentations classiques des “barres” de banlieue, dans cette série de photos les bâtiments sont traités avec la même révérence que la Tour Eiffel ou le Moulin Rouge, monuments touristiques clichés et finalement peu représentatifs du quotidien des Parisiens. Visite guidée de ces bâtiments d’exception.
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Qu’est ce qui a motivé votre projet ?
François Prost : L’idée était de montrer des immeubles de banlieue parisienne de manière légère et détachée, en faisant abstraction de toute la dimension sulfureuse qui leur est réservée dans les reportages télé racoleurs. J’ai sélectionné ces endroits sur deux critères : leur emplacement géographique et leur esthétique. Ces immeubles sont également symptomatiques d’une époque, celle des grands ensembles de la deuxième moitié du XXe siècle et de l’architecture utopiste et parfois farfelue de l’époque. Depuis, les populations qui y habitent ont bien changé, de nombreux programmes d’aménagement et de réaménagement urbains sont passés par là, et certaines des ces tours ont été démolies ou le seront dans un futur proche. Ces images sont donc également une manière d’inscrire ces bâtiments dans la mémoire.
Les tours qui m’ont le plus impressionné par leur forme sont sans doute les tours dites “camembert” de Noisy-le-Grand, car leur forme cylindrique en béton dans lesquelles ont été creusés de petits trous carrés pour créer des fenêtres les rendent très intimidantes. On a du mal à réaliser que des personnes habitent à l’intérieur. J’ai également été assez marqué par certaines tours à Stains au Clos Saint Lazare, mais dans ce cas, plus que l’architecture, c’est l’environnement et l’état de dégradation du quartier qui m’avaient marqué.
Qu’est ce qui vous a poussé à vous intéresser aux bâtiments non haussmanniens ?
Habitant à Paris depuis 2006, j’ai ressenti au bout de quelques années le besoin d’aller voir de quoi était faite son agglomération, par simple curiosité, mais aussi parce que j’entendais beaucoup de choses assez négatives sur la banlieue. Je trouvais ça assez étrange de décrire la banlieue comme “invivable”, alors que que 75% de la population de l’agglomération y réside. J’ai commencé à faire les premières image en 2012/2013. Toujours dans l’idée de se dire que Paris intramuros ne représente qu’une petite partie de son agglomération, je trouvais également intéressant de montrer autre chose de cette ville que le Paris haussmanien touristique.
Des millions de gens vivent dans les grands ensembles d’Ile-de-France, alors que proportionnellement, les immeubles haussmaniens du centre de Paris ne doivent en loger quelques centaines de milliers tout au plus, si tant est qu’ils ne se transforment pas carrément en décors touristiques. Apres les émeutes des banlieues de 2005 en France, et la prise de conscience nationale et internationale qu’elles ont suscité, je trouvais ça aussi intéressant de montrer Paris via le prisme de ses banlieues, comme si l’on remplaçait la Tour Eiffel, le Moulin Rouge et autres stars de cartes postales par des immeubles de banlieue parisienne.
Comment êtes-vous tombé sur ces immeubles ? En vous promenant, en faisant des recherches, par bouche à oreille ?
Certains sont classés et ont donc été faciles à trouver. Pour les autres, je les ai trouvés en faisant des recherches sur Google Maps ou en me promenant en Ile-de-France.
Vous êtes-vous renseigné sur l’histoire de chaque bâtiment ? Avez-vous rencontré des habitants ?
J’essaie tant que faire se peut de me renseigner sur l’histoires de chaque bâtiment. En ce qui concerne les plus connus, il est assez simple de trouver des informations, et ce sont des bâtiments qui sont devenus ou vont devenir mythiques d’une époque. Cependant, je n’ai pas spécialement cherché a rencontrer les habitants de ces immeubles car les images se focalisent sur l’architecture principalement.
Découvrez tout le travail de François Prost à l’exposition “Photo Stories”, du 7 juin au 16 novembre 2018, à la Galerie Superette (104 rue du Faubourg Poissonnière, Paris Xe)
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