Depuis fin août, quatre volontaires d’une association d’aide aux migrants sont détenus dans une prison d’Athènes sur ordre de la justice grecque, qui les accuse d’œuvrer au sein d’un réseau criminel. Human Rights Watch dénonce une tentative de décourager l’action humanitaire dans la région.
Plusieurs volontaires humanitaires, parfois étrangers, ont été arrêtés à la fin de l’été à Lesbos. La raison ? Ils auraient participé à un réseau criminel qui tirerait profit de la crise migratoire via l’association Emergency Response Center International (ERCI) qui propose premiers soins et éducation aux migrants qui arrivent en Grèce. Pourtant reconnue comme une ONG par l’État grec, toutes ses activités sont suspendues depuis septembre. Reste que l’association internationale de défense des droits Human Rights Watch, qui a eu accès aux pièces juridiques versées au dossier, juge ces poursuites infondées dans un rapport publié le 5 novembre.
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Une ONG accusée d’activités criminelles
Sarah Mardini, réfugiée syrienne de 23 ans arrivée en Europe en 2015, a ainsi été arrêtée le 21 août 2018 sur l’île de Lesbos par la police grecque dans le cadre de ses activités avec ERCI. Elle s’apprêtait à rejoindre Berlin pour y poursuivre une seconde année d’études au Bard College. Elle est depuis incarcérée dans une prison d’Athènes avec trois autres volontaires de l’association, un Allemand et deux Grecs. Tous sont sous le coup de plusieurs chefs d’inculpation : trafic d’êtres humains quand ils voyageaient par mer avec des migrants, espionnage du gouvernement grec alors qu’ils géraient une radio locale et un site internet destiné à partager des informations relatives aux réfugiés, blanchiment d’argent pour des collectes de fonds. ERCI a arrêté en conséquence toute activité associative depuis la fin de l’été, car ces accusations la font apparaître comme une organisation criminelle.
How absurd are the charges against humanitarian rescuers like #Sarah #Mardini & #Sean #Binder?
Search & rescue = people smuggling
Nonprofit org = crime ring
NGO fundraising = money laundering
They’ve been in jail for 72 days. #Greece should let them go. https://t.co/RCVzDu3Nlt— billvanesveld (@billvanesveld) 5 novembre 2018
Les sauveteurs de migrants risquent jusqu’à 25 ans de prison ferme. Bill Van Esveld, chercheur chez Human Rights Watch, récuse fermement les poursuites menées à leur encontre : “Les accusations de blanchiment d’argent, de trafic d’êtres humains et d’espionnage ne sont rien de plus qu’un effort visant à criminaliser l’aide humanitaire des réfugiés et migrants en Grèce. Ces charges doivent être abandonnées, et les activistes libérés”.
Décourager l’aide humanitaire
Les quatre personnes incarcérées ont demandé à être libérées en septembre. En attente de leur jugement, la détention provisoire peut durer jusqu’à 18 mois. Leur demande a été déboutée au prétexte de la gravité des chefs d’inculpation, des risques de récidive et de l’impossibilité de les assigner à résidence avant qu’ils soient jugés par un tribunal national. Human Rights Watch dénonce aussi en l’espèce cette invocation de la législation grecque par le Ministère public.
“Le cas de ces volontaires qui sauvent les migrants en Grèce participe d’une tendance inquiétante à attaquer les efforts humanitaires dans l’Union Européenne. La solidarité avec ces personnes qui fuient les persécutions, la guerre, et des violations sérieuses des droits humains devrait être encouragée et célébrée, et non établie comme un crime”, a déclaré Bill Van Esveld. Pour Human Rights Watch, ces détentions préventives participent à décourager l’aide humanitaire dans la région de l’île de Lesbos, passage stratégique pour des milliers de déplacés qui transitent vers la Grèce puis l’Europe de l’Ouest. Actuellement, les migrants et réfugiés sont quelques 60 000 à être bloqués en Grèce.
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