Le Hellfest, festival de musique métal et hardcore, réunit chaque année de plus en plus de festivaliers. En 2011, 90 000 chevelus devraient venir piétiner les champs de la petite ville de Clisson, en Loire-Atlantique. Mais chaque année, une poignée de catholiques partent en croisade contre le festival « anti-chrétien ». Après s’en être pris aux pouvoirs publics, ces derniers attaquent le sponsor principal : Kronenbourg.
Le Hellfest ouvre ses portes dans deux semaines. Depuis le 24 mai, le festival affiche complet et la petite ville de Clisson (7000 habitants) attend 90 000 personnes pour le week-end du 17 juin. En tête d’affiche, Iggy Pop, Ozzy Osbourne ou Scorpions. Mais toute l’imagerie métal que véhicule l’évènement et les propos satanistes de quelques groupes déclenchent les foudres d’une poignée de catholiques intégristes, bien décidés à en découdre.
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Chaque année, ils arrosent les lieux d’eau bénite et s’en prennent aux collectivités qui subventionnent le festival. En 2010, ils comptaient même une vedette dans leurs rangs : Christine Boutin, rock star de l’Assemblée nationale, qui avait écrit une lettre aux élus et aux sponsors :
« Des affiches figurant un homme au physique satanique avec des crocs sanguinolents sans équivoque sont apposées depuis quelques jours dans de très nombreux lieux à fortes fréquentations publiques comme les gares ou les grandes surfaces. Ce visuel ne peut que choquer les enfants obligés de subir cette publicité d’une violence morbide rare. »
Spam catho
Cette année, les intégristes remettent ça. Ils ont décidé de s’en prendre au plus gros sponsor de l’évènement, Kronenbourg. Et d’adopter un tout nouveau mode opératoire : le spam. Dans un premier temps, ils ont réalisé une vidéo très élaborée et lancé la campagne « ne trinquez plus avec le diable ».
http://youtu.be/Z7bMKvFMDQg
Ils ont ensuite sorti le grand jeu. « Nous avons demandé à tous nos sympathisants d’envoyer des mails aux collectivités et à Kronenbourg. Au bout de l’opération, nous aurons envoyé 150 000 courriers électroniques« , explique Alain Escada, président de l’institut Civitas, qui chapeaute l’opération. « Nos militants vont aussi abreuver d’appels les centrales téléphoniques des brasseries Kronenbourg« .
« Nous agissons en consommateurs responsables. Si dès demain, les catholiques arrêteraient de boire de la bière, ça ferait très mal au portefeuille de la société », explique Alain Escada.
Il a personnellement arrêté de boire de la Kro, mais quand on lui signale que les vins de la Loire subventionnent aussi le festival, il hésite. Plus difficile de faire une croix sur le Muscadet.
« Heureusement que le rock fait encore peur aux conservateurs »
Du côté des festivaliers, cette agitation – plutôt anecdotique – commence à agacer. Mais Yoan Le Nevé, co-organisateur, reste compréhensif. L’année dernière, un débat avait même été organisé avec des prêtres, des exorcistes et des musiciens « satanistes ». Et finalement, en plus d’un gros coup de pub, la campagne des intégristes sert son propos : « Heureusement que le rock fait encore un peu peur aux conservateurs ! »
Même si cette année, il aimerait parler « d’autre chose. De musique par exemple. » Car l’évènement est une grosse machine : 10 millions d’euros de budget de fonctionnement, des pointures internationales sur scène et une réserve d’emplois pour la région.
« On ne fait de mal à personne. Il n’y a aucun trouble à l’ordre public. Bon, peut-être qu’on boit trop de bière. Mais c’est tout », s’agace Olivier Garnier, l’attaché de presse.
D’autant plus que Kronenbourg, comme les collectivités, a confirmé son soutien. »On a toujours soutenu la liberté d’expression« , explique Jean Hansmaennel, président de la fondation.
Jean-Pierre Coudrais, le maire de Clisson, est lui ravi de l’évènement qui apporte « un rayonnement international à la commune. Il y a des gens qui viennent de 50 pays différents ! » Il tient à signaler que la commune « va tout faire » pour conserver la manifestation, qui va devoir déménager l’année prochaine, à la suite de la construction d’un collège sur les lieux des concerts.
Yoann Le Nevé, lui, préfère détailler les temps forts de l’édition de cette année. « Il y aura un hommage à Patrick Roy [Le député décédé cette année était un grand amateur de métal NDLR] suivi d’un feu d’artifice après le concert de Scorpion samedi soir« , explique-t-il. « L’année dernière, les cathos avaient organisé une veillée à l’église de Clisson. Ils étaient sept. » C’est l’industrie de la bière qui doit trembler.
Cerise Sudry-Le Dû
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