Pour cette 42e journée internationale de lutte pour les droits des femmes, la place de la République à Paris s’est colorée de tous les courants de luttes féministes pour continuer de protester contre le patriarcat.
« Días de las mujeres lucha de todas« , « No la quiero a mis pies, nos quiero libres a la misma altura« . Sorti du métro sur la place de la République, les premiers slogans aperçus sont en espagnol. Il est un peu plus de 14h30 et ce groupe de jeunes argentin.e.s se tient juste à côté du stand du collectif Alerta Feminista, regroupant à Paris les féministes originaires d’Amérique Latine, qui organise sur la place un petit atelier de confection de pochoirs et pancartes en vue du rassemblement qui se prépare pour ce 8 mars. De quoi immédiatement rappeler le caractère international de cette journée de mobilisation pour les droits des femmes pour laquelle les associations féministes sont appuyées par quelques syndicats, gilets jaunes, partis politiques et manifestants écologistes, dans un contexte de mouvement social global en France qui se prête à la convergence des luttes.
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Convergence sociale
Le timing donné pour le rassemblement approche, 15h40, « l’heure à partir de laquelle les femmes ne sont plus payées dans une journée de travail, compte tenu des inégalités salariales qui sont toujours de 26% entre les femmes et les hommes » comme nous l’explique Suzy Rojtman, porte-parole du Collectif National pour les Droits des Femmes. Cette mobilisation aux visages multiples est pour elle le fruit d’un travail depuis trois ans entre associations et syndicats. « Et l’on bénéficie je pense du mouvement général qu’a provoqué #MeToo au niveau international« , ajoute-t-elle en regardant la place, qui se noircit de monde. Quelques dizaines de mètres derrière elle se tiennent un ensemble de femmes racisées qui protestent contre les violences qu’elles subissent au quotidien. Plus loin sur la place, ce sont les gilets jaunes, « qui ont avec eux beaucoup de femmes, notamment mères isolées, qui expriment des revendications que nous les féministes portons depuis longtemps, comme le service public de la petite enfance par exemple« .
C’est la pluralité des revendications qui finit par sauter aux yeux. A droite de la scène, un groupe de femmes se fait remarquer par ses chants. Toutes ont autour du cou un drapeau de l’Algérie, et la plupart se filment en direct tandis que circule un micro branché à un minuscule haut-parleur. « Bonjour l’Algérie, la jeunesse algérienne, les femmes algériennes ! Le vent de la liberté qui a soufflé sur notre pays nous a redonné notre dignité !« , adresse l’une d’elles à celles et ceux qui suivent son live. Ses paroles se perdent dans une clameur appelant à abroger le code de la famille algérien, avant qu’elle ne puisse reprendre pour demander aux femmes d’Algérie de quitter le pays, pendant qu’elles sont libres. Une autre femme prend alors la parole pour expliquer les raisons de leur présence ici : « On en a marre de ce qui se passe en Algérie, et les femmes sont les premières victimes de ce pouvoir. On est ici parce que les luttes féministes ont toujours soutenu ce qui se passe en Algérie. On est ici pour soutenir les associations. On ne doit pas se diviser ». Autour d’elles, beaucoup d’hommes, algériens ou non, circulent, écoutent, approuvent.
Sorcières féministes
Au milieu de toutes les pancartes qui fleurissent aux quatre coins de la place, la tendance sorcière émerge. « Nous sommes les filles des sorcières que vous n’avez pas brûlées« , « On veut des salaires de sorcières« . L’esprit du Witch Bloc, qui manifestait ce soir à 19h, est déjà bien là et se fait même plus présent quand la place est renommée « place des sorcières » par quelques militant.e.s à l’aide d’un grand drap blanc fixé au plus haut de la statue de la place. Autre drapeau, celui arc-en-ciel des luttes LGBT+ flotte au bout des mats tenus par les militants de Génération.s (mouvement de Benoît Hamon). Leur député européen Guillaume Balas approuve l’importance d’une lutte pour les femmes qui passe par une remise en question de l’hétéronormativité. « La question des femmes gays n’est que trop rarement mise en lumière. Alors qu’elle a toute sa place dans ce combat absolument essentiel des identités plurielles. Et on voit bien qu’on est aujourd’hui face à un rouleau compresseur réactionnaire qui voudrait que l’identité soit fixe. C’est une condamnation de la liberté« .
L’association Osez le Féminisme profite elle de ce 8 mars pour lancer une grande campagne de sensibilisation autour des questions relatives à la santé des femmes. « Le patriarcat, sous plein de variantes différentes, empêche les femmes d’avoir aujourd’hui un accès juste au domaine de la santé, détaille Raphaëlle Rémy-Leleu, porte-parole d’Osez le Féminisme. Il y a un mépris pour la douleur des femmes, des inégalités économiques, mais aussi des viols et des agressions. La recherche se base aujourd’hui sur le corps des hommes, et ne prend pas en compte la spécificité des femmes« . Alors que nous terminons notre entretien, une jeune femme passe à côté de nous. Sur sa pancarte, un détournement d’Aya Nakamoura, qui résume à lui seul le principal message que portent toutes les luttes représentées cet après-midi sur la place de la République : « Le patriarcat, y’a plus moyen djadja« .
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