La prostitution étudiante revient régulièrement à la une. Adapté d’un témoignage, Emmanuelle Bercot a réalisé un téléfilm frontal et tendu qui n’évite pas toujours l’écueil sociologique.
Sur les bancs de l’université, Laura, 18 ans, songe aux factures impayées qui l’étranglent. Obsédée par ses études, mais incapable de subvenir à ses besoins, elle est prise par la peur de ne plus pouvoir poursuivre son cursus en première année de fac. Pourtant, combative et énergique, elle cumule des petits boulots pour payer son loyer. Mais peu à peu asphyxiée, Laura se laisse un jour aspirer par un horizon inconnu : la vente de son corps à des hommes rencontrés sur l’internet.
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C’est sur le fil scénaristique ténu de la prostitution étudiante que la cinéaste Emmanuelle Bercot (Clément, Backstage, Tirez sur le caviste…) construit un récit captivant. Mais, adapté du témoignage de Laura D. (Mes chères études paru en 2008 aux éditions Max Milo), le téléfilm n’échappe pas toujours au carcan sociologique. La belle captive est ici la victime d’un système qui la pousse à sacrifier son corps.
Mais comment une étudiante en arrive-t-elle à se prostituer ? Comment organise-t-elle secrètement son petit système ? Le téléfilm est une illustration édifiante de ces questions surgies dans l’actualité suite aux révélations sur la paupérisation étudiante. Selon le syndicat étudiant Unef, on compterait 100 000 étudiants pauvres, le chiffre de la prostitution restant, lui, plus difficile à établir.
Pour autant, Mes chères études dépasse la dimension purement “sociétale” pour s’attacher à un portrait de femme, singulier et irréductible. Interprétée par la magnétique Déborah François, Laura colle à la caméra d’Emmanuelle Bercot qui ne la lâche jamais, la filmant dans toutes les circonstances de sa vie quotidienne, chez elle, chez ses amoureux (Benjamin Siksou, Mathieu Demy), à l’hôtel avec ses clients affamés d’amour. C’est un corps s’abandonnant, se livrant au mystère de son offrande, que filme frontalement Bercot, notamment dans les scènes avec son client fétiche, un père de famille (Alain Cauchi) qui l’embarque dans des jeux pervers.
Cette frontalité du regard révèle la violence de l’expérience : Laura se perd dans l’engrenage de ce qu’elle croit être la solution à sa misère. Les billets de 20 euros qu’elle embrasse après l’amour la ramènent à l’absurdité d’une vie sur laquelle l’argent a une emprise totale, d’où est exclu tout amour de soi.
Sans jugement moral sur la dérive de son personnage, la cinéaste se concentre, plus que sur son corps, sur les yeux de Laura dans lesquels on devine une panique étouffée. La répétition aveugle des gestes permet d’effacer un temps le sentiment d’humiliation. Mais la mécanique de l’amour tarifé, d’où le plaisir n’est pas toujours exclu (Laura reste ambiguë dans la relation, parfois tendre, qu’elle entretient avec son client régulier), bute sur son impossible issue.
Toutes les sensations suffocantes et provocantes de Laura transpirent dans le film, dont la mise en scène tendue d’Emmanuelle Bercot privilégie subtilement la part organique, par-delà le mystère du plaisir et du dégoût.
Mes chères études Téléfilm d’Emmanuelle Bercot. Lundi 18 janvier > 20 h 50 > Canal+
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