Elizabeth Parish est une entrepreneuse de 45 ans qui tente de réaliser le rêve le plus ancien de l’humanité : empêcher le vieillissement. Après avoir suivi deux thérapies géniques, elle affirme avoir rajeuni de vingt ans. Portrait de la première « femme génétiquement modifiée », qui ne fait pas l’unanimité dans la communauté scientifique.
Elizabeth Parrish aurait-elle découvert le secret de la jeunesse éternelle ? En tout cas, cette Américaine de 45 ans, à la tête de l’entreprise BioViva USA, basée à Seattle et spécialisée dans la biotechnologie, affirme avoir rajeuni de vingt ans. Ce “miracle” n’est pas le fruit d’un phénomène surnaturel mais bien d’une expérience scientifique.
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La PDG de BioViva USA a, en effet, une quête. Le combat contre le vieillissement, considéré comme un processus naturel par la majorité des êtres humains, mais qu’elle estime être une maladie. Elle a alors décidé de tester sur elle-même deux thérapies géniques, mises au point par sa société. Cette expérimentation aurait abouti à un rajeunissement de vingt ans de ses cellules.
« Les gens peuvent tirer beaucoup de conclusions hâtives, dit-elle dans une interview au Guardian, comme vaincre la mort, devenir immortel, ou des choses comme ça. Ce que nous essayons de faire est de toucher le plus grand sujet de souffrance dans le monde industrialisé en ce moment, qui correspond aux maladies liées au vieillissement »
Une « femme génétiquement modifiée »
L’histoire a tout d’un conte fantastique. Le 15 septembre 2015, Elizabeth Parrish, alors âgée de 44 ans, devient le « patient zéro » d’une expérience scientifique menée par sa société BioViva Usa. Elle s’envole pour la Colombie, dans une clinique tenue secrète, afin de suivre deux traitements géniques. Le premier est destiné à freiner la réduction de la masse musculaire liée au vieillissement, le deuxième a pour but d’accélérer la production par les cellules de télomérase, une enzyme qui permet de réparer les télomères.
Les télomères sont des segments d’ADN situés à l’extrémité des chromosomes. Ils participent à leur protection mais raccourcissent avec le temps. Ils deviennent alors moins efficaces, les cellules fonctionnent moins bien, ce qui provoque le vieillissement du corps.
Le problème est que ces deux thérapies n’ont pas été validées par la Food and drug administration (FDA), l’administration fédérale en charge du secteur médical aux Etats-Unis. D’où le détour par la Colombie. BioViva USA a cependant affirmé le 21 avril 2016 sur son site internet que l’expérience avait réussi. Les télomères d’Elizabeth Parrish auraient augmenté de 9 % en six mois, ce qui correspondrait à un rajeunissement d’environ vingt ans.
I am raising this account from the dead to try to keep people (young and old) from dying. Here we go!!! @BioVivaScience #IHateAging
— Liz Parrish (@ParrishLiz) 8 avril 2016
Une philanthrope qui veut “sauver des millions de vie”
Si Elizabeth Parrish s’est lancée dans cette quête un peu insensée, c’est qu’elle ne considère pas le vieillissement comme un processus naturel. L’ancienne diplômée de l’université de Washington annonçait ainsi au site Inverse qu’elle a eu cette révélation lors d’une « conférence cruciale » à Cambridge en Angleterre :
« Je me suis retrouvée à une conférence du SENS (Strategies for Engineered Negligible Senescence), à Cambridge en Angleterre, et j’ai été très intéressée par l’idée que le vieillissement naturel était peut-être lui-même une maladie. (…) J’ai dû changer ma manière de penser pour me rendre compte que les cellules du corps sont comme un ordinateur, et les choses pour lesquelles elles sont programmées peuvent subir des dommages au fil du temps. (…) Nous accumulons tous ces dommages qui mèneront, un jour, à des symptômes liés à la maladie du vieillissement et nous tueront. »
L’Américaine de 45 ans met en avant la dimension philanthropique de son action et assurait, les larmes aux yeux, dans une interview à la chaîne youtube 10,000x : « Si vous aviez la possibilité de faire une seule chose dans votre vie qui pourrait sauver des millions de vies, voire des milliards, est-ce-que vous le feriez ? Moi oui. »
https://www.youtube.com/watch?time_continue=39&v=zUKIFJzRxzM
Elizabeth Parrish a expliqué à Inverse que tout le monde aura le même accès au fameux traitement, en expliquant que le premier sera évidemment cher, mais qu’il se démocratisera au fur et à mesure, tout comme la technologie. Elle a ainsi pris l’exemple du premier ordinateur qui était hors de prix, et l’iPhone qui est aujourd’hui un produit accessible, dont personne ne semble pouvoir se passer.
Mais avant de voir son traitement mis sur le marché, la philanthrope américaine devra d’abord convaincre la FDA, ce qui ne sera sûrement pas une tâche facile. Elle devra ensuite rallier la communauté scientifique derrière elle, qui semble pour l’instant plutôt dubitative face aux expériences de Parrish.
le scepticisme de la communauté scientifique
L’annonce du rajeunissement de la PDG de BioViva USA n’a en effet pas rencontré l’enthousiasme escompté du côté de la communauté scientifique, qui relève une absence de procédures scientifiques derrière l’expérience. Surtout la philanthrope a choisi d’être elle-même son propre cobaye. Le professeur George Martin, de l’université de Washington, et ancien directeur scientifique de l’American Federation for Aging Research, avait été approché pour conseiller Elizabeth Parrish. Il a ensuite rapidement pris ses distances vis-à-vis du projet, expliquant notamment au MIT Technology Review qu’il était insensé de ne pas effectuer des tests précliniques.
Sur son site, BioViva USA affirme s’être inspiré d’une expérience de Maria Blasco, la directrice du centre espagnol national de recherche contre le cancer. Dans une étude de 2012, les découvertes de Blasco suggéraient qu’une thérapie génique à base de télomérase avait permis aux télomères de souris d’augmenter de 20 %. La scientifique n’est cependant pas associée au projet de Parrish. Elle a précisé au Guardian que la validation clinique de toute thérapie génique doit se faire à travers de rigoureux protocoles médicaux et doit être authentifiée par les agences compétentes.
Dans le Guardian, Timothy Caulfield, professeur à l’université d’Alberta a souligné combien le travail d’Elizabeth Parrish manquait de rigueur scientifique, et qu’il pourrait être utilisé par des praticiens peu scrupuleux, conscients de la puissance de vente de produits contre le vieillissement. Il a surtout indiqué que :
« Les gens oublient que la plupart des essais cliniques ne marchent pas comme prévu. Les drogues peuvent paraître prometteuses chez les souris, mais ne marchent pas comme prévu chez les hommes, qui sont des animaux différents. »
Elizabeth Parrish, qui se présente sur le site de sa compagnie comme une « humanitaire », un « entrepreneuse » et une « innovatrice », mais non comme une scientifique, serait-elle une dangereuse illuminée ou une affairiste manipulatrice ?
Five countries in three weeks. I think the world is ready for a change. Our team is ready ! #ihatedisease
— Liz Parrish (@ParrishLiz) 7 juin 2016
Rien ne semble en tout cas l’arrêter. Dans un tweet posté en juin, elle indiquait avoir visité « cinq pays en trois semaines » et que le monde lui semblait être prêt « à changer ». Avec son sens de la communication bien rodé, Elizabeth Parrish devrait encore faire parler d’elle dans les mois à venir.
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