Rescapé des camps de la mort, l’écrivain n’a eu de cesse de témoigner dans une œuvre autobiographique puissante. Il est mort le 2 juillet à 87 ans.
C’est un essayiste, un romancier, un philosophe, un journaliste, un critique littéraire, une grande conscience de l’humanité, mais surtout un survivant, un témoin direct de l’horreur du XXe siècle, qui vient de disparaître. Né en 1928 à Sighet, petit bourg de Transylvanie annexé par la Hongrie en 1939, Elie Wiesel y passe son enfance et son adolescence, dans un milieu dédié à la culture et à la religion juives.
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La machine de mort hitlérienne s’abat tardivement mais férocement sur la Hongrie : au printemps 1944, alors que l’Allemagne commence à sentir l’odeur de la défaite, 440000 Juifs hongrois sur les quelque 725000 que compte le pays sont déportés à Auschwitz en à peine trois mois.
La famille Wiesel est embarquée, sa mère et sa plus jeune sœur sont gazées dès leur arrivée. Elie Wiesel (16 ans) et son père survivent aux derniers mois de fonctionnement d’Auschwitz, puis sont emmenés dans les “marches de la mort”, quand les nazis abandonnent le camp et organisent dans l’urgence et la violence les transferts à pied des détenus survivants. Le père décède à Buchenwald, Elie Wiesel survit jusqu’à l’arrivée des Alliés en mai 1945.
Les livres pour témoigner
Son expérience, il la raconte dans son premier et plus célèbre ouvrage, La Nuit, publié en 1958 aux Editions de Minuit. Car après la guerre, l’apatride Wiesel s’est posé en France où il a trouvé refuge (il y enseigne la philosophie) et une nouvelle langue – mais pas une nouvelle nationalité. Son nouveau passeport, il l’obtiendra en 1963 aux Etats-Unis, son deuxième pays d’adoption.
Wiesel écrira d’autres volets autobiographiques (L’Aube, Le Jour…), des essais sur le judaïsme, des romans sur fond de conflit israélo-palestinien (Le Mendiant de Jérusalem) ou d’antisémitisme stalinien (Le Testament d’un poète juif assassiné), et des centaines d’articles et de critiques littéraires dans de grands journaux à l’audience planétaire comme dans de petites revues en yiddish, sa langue maternelle. Devenu une sorte d’icône de la conscience juive, il fréquente les grands de ce monde, de Mitterrand à Obama, de Golda Meir à Angela Merkel.
Une droiture et un humanisme admirables
Elie Wiesel était un homme d’une droiture et d’un humanisme admirables, qui toute sa vie a lutté contre la barbarie et l’oubli avec les armes de la pensée, de la parole et de l’écriture. Pour autant, une icône a aussi ses zones de faiblesses, comme sa difficulté à critiquer la politique israélienne.
Par ailleurs, au moment où les témoins directs de la Shoah disparaissent, où le négationnisme et le complotisme prolifèrent sur la toile de façon préoccupante, se pose avec acuité la question de la transmission du savoir sur cet événement. Wiesel était l’incarnation type du témoin, qui racontait son expérience non sans un certain pathos – légitime, mais qui a fini par lasser certaines franges.
Peut-être qu’après une période où ont abondé les témoignages et les injonctions au devoir de mémoire va-t-on passer à une période plus “froide”, moins émotionnelle, où la science historique et l’art vont reprendre le dessus ? La mort d’Elie Wiesel symboliserait alors le passage de l’ère du témoin à celle de l’historien et de l’artiste.
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