Les élections professionnelles dans la police nationale, qui se déroulent jusqu’au 28 janvier, devraient consacrer la nouvelle force Union SGP-Unité Police, plutôt contestataire. Entre les syndicats, les invectives pleuvent.
100000 gardiens de la paix et 20000 officiers de police sont appelés aux urnes du jusqu’au 28 janvier, pour désigner les représentants qui siègeront dans les instances paritaires de la police, cruciales dans la gestion des carrières et l’orientation générale des politiques. Les élections syndicales auront été le théâtre de coups bas, de déchirements et d’attaques personnelles.
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A ma gauche (mais ne dites pas qu’ils sont de gauche), chez les gardiens de la paix, deux syndicats fratricides se chicanent. L’Union SGP-Unité police, regroupant le Syndicat général de la police (SGP-FO) et Unité police, branche dissidente de l’Unsa Police en 2009, vise la majorité absolue des suffrages. Rien que ça. L’Union, c’est le jeune premier à succès, qui dit merde à papa.
La « vieille » Unsa police, qui veut garroter l’hémorragie, présente tout de même des listes. Le syndicat vise 10%. « On n’est pas reparti de zéro mais de pas grand-chose », juge son secrétaire général, Philippe Capon.
A ma droite (mais ne dites pas qu’ils sont de droite), le syndicat Alliance Police Nationale, proche du gouvernement, est bien tranquille. Au pire il reste stable (36% en 2006), au mieux il gagne les voix de flics énervés par les luttes intestines de l’Unsa. Alliance porte tout de même sur la conscience d’avoir ouvert la brèche aux réductions d’effectifs en contrepartie de meilleures rémunérations.
« Nous avons obtenu de 100 à 200 euros par mois en plus pour les gardiens », se défend Jean-Claude Delage, secrétaire général d’Alliance. « Nous sommes dans un syndicalisme de proposition et de négociation. Leurs manifestations ne mobilisent personne », tranche Jean-Claude Delage.
L’œuf ou le poulet
Tous les syndicats dénoncent la « politique du chiffre » et la baisse des effectifs. L’Union SGP-Unité police, organisatrice de la manifestation du 3 décembre dernier, revendique la paternité de la contestation, pardon, de « l’opposition constructive », ne prêtant à ses concurrents que des projets de pillage.
Les deux syndicats dits « de gauche » affirment en cœur leur détestation de la « politique du résultat », des instructions écrites ou orales fixant des quotas de PV, et leurs besoins en effectif.
Pourtant, les attaques fusent. « On verra jeudi si l’Unsa police existe », lance Yannick Danio, contre l’adversaire qu’il juge « porte-parole du ministère », « pieds et poings liés avec Alliance ». « Certaines organisations syndicales font croire qu’elles montent sur la table et arrachent le lustre mais sont beaucoup plus timorées en réunion avec l’administration », rétorque Philippe Capon de l’Unsa Police. Chacun s’accuse de piquer les idées du voisin pour ramener des voix mais de se coucher devant le ministre.
Une tradition de chicanes
La fragmentation syndicale dans la police ne date pas d’hier, mais de 1995. La disparition de la Fasp (Fédération autonome des syndicats de police), qui régnait en maître dans les années 1980 sous la férule de Bernard Deleplace, a provoqué l’émiettement. Traditionnellement, ce syndicalisme policier se développait en dehors des grandes confédérations, mais la loi Perben de 2007 a obligé les syndicats à s’affilier aux grandes confédérations (FO, CGC, CGT), même si les liens sont lointains, ce qui ne fait qu’ajouter à la confusion.
Alors que la police compte un taux de syndicalisation frisant les 75%, les organisations se multiplient, se regroupent pour mieux scissionner, se rabibocher et se déchirer. « Il y a toujours des recompositions à l’approche des élections », explique Jean-Louis Loubet Del Bayle, spécialiste du syndicalisme policier à l’IEP de Toulouse.
« Chacun essaie de s’organiser pour rassembler le maximum de voix. » Le chercheur rappelle que le syndicalisme policier est assez « consumériste », puisque « les agents n’ont pas de difficultés à changer d’affiliation s’ils n’obtiennent pas ce qu’ils souhaitent ». Pour lui, la politisation concerne « la tête » mais pas « la base ».
Aujourd’hui, le ministère avance une thèse de « gauchisation » de la police et de « recomposition de la Fasp » à travers l’Union SGP-Unité police. Thèse évidemment mise au rebut par toutes les organisations, qui refusent de se positionner politiquement.
Si la bataille est si rude chez les gardiens de la paix, c’est que les résultats, qui seront connus jeudi 28, conditionnent une bonne partie de l’avenir des organisations. Elles veulent acquérir ou conserver leur représentativité, être en position de force dans les négociations paritaires, où leur avis est presque toujours suivi, et toucher les précieuses subventions du ministère.
Du côté des officiers, les blocs équilibrés entre le Snop (légèrement majoritaire) et Synergie-officiers devraient perdurer. Les commissaires de police, eux, voteront en mai.
Mise à jour le 27 janvier : Unité police nous signale qu’une décision du tribunal administratif de Cergy (octobre 2009) fait du syndicat le successeur officiel de l’Unsa police – syndicat unique, dont il est issu.
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