Et si l’on se trompait toujours ? Tous les observateurs et éditorialistes ont prédit, moi compris,
la victoire de la gauche israélienne. Analyse d’un plantage monumental.
Finalement, Benyamin Nétanyahou l’a emporté confortablement. Pourquoi nous sommes-nous trompés à ce point ? D’abord, il y a la question du temps : ceux qui analysent la situation internationale se placent dans un temps long.
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Celui de l’expérience, des livres parcourus, des élections et des rebondissements suivis des années durant. En clair, pour parler d’un événement à venir, les analystes (moi itou) font une sorte de moyenne pondérée par la réalité.
Exemple : Benyamin Nétanyahou est au pouvoir depuis six ans sans discontinuer : en démocratie, c’est la limite de péremption. Conclusion logique : les électeurs voudront du neuf et Isaac Herzog, le leader travailliste, est un homme neuf.
Enfin, la “pondération” par la réalité locale, c’est en Israël la cherté de la vie et du logement. La pauvreté aussi. Conclusion logique : Nétanyahou n’a rien fait au cours de son mandat passé, les Israéliens vont le sanctionner. Erreur sur les deux tableaux.
Prendre ses rêves pour la réalité
Mais il y a une deuxième raison qui explique ce plantage collectif et mondial : on écrit objectivement ce qu’on pense subjectivement. Les Anglo-Saxons appellent cela le wishful thinking. En français ça donne : “prendre ses rêves pour la réalité”.
La majorité des commentateurs est, disons, de centre-gauche ou droit et déteste Nétanyahou. Ses “petites” guerres sanglantes à Gaza, ses colonies, ses appels à l’émigration des Juifs de France.
Bref, la lecture des sondages donnant Isaac Herzog gagnant nous a transportés de bonheur. Mais comme nous sommes tous des observateurs mesurés (!), il a fallu cacher sa joie derrière l’apparence d’une analyse distanciée (et objective, bien sûr) de la victoire annoncée du centre gauche israélien.
Avec le recul, en relisant mes chers confrères et consœurs (moi itou), c’est même un peu pitoyable : le New York Times, par exemple, a consacré une page louangeuse à M. Herzog qui, au final, n’a amélioré le résultat de sa coalition que d’un seul siège sur 120.
Et si nous nous trompions toujours ?
Pour se justifier, certains trouveront sans doute une phrase qui sauvera un peu l’honneur. Moi-même, j’ai écrit qu’il “faudrait probablement attendre la prochaine législature pour voir gagner la gauche”.
Ne vous y trompez pas : j’ai été aussi surpris (et mortifié) que tout le monde par le score final. Mais derrière cet acte de contrition publique, une autre question se pose : et si nous nous trompions toujours ?
J’ai, par exemple, écrit dans ces pages que l’Etat islamique ne passerait pas l’hiver. Dans cette phrase, il y a tout ce que je décrivais plus haut : des années d’analyses, de l’expérience et une bonne dose de wishful thinking, je l’avoue.
Il y a aussi le goût de la formule qui claque et qui résume (trop) bien sa pensée. Ce que je voulais dire c’est qu’on a beaucoup gonflé la puissance de l’Etat islamique. Je le pense toujours.
Le terrain aurait-il modifié mon analyse ? Pas vraiment : les journalistes de terrain sont soumis aux mêmes contraintes : eux aussi sont indécrottablement raisonnables et eux aussi voudraient que la réalité ressemble à ce qu’ils sont venus chercher sur place.
En fait, en matière d’analyse internationale, seule l’erreur cuisante fait avancer. C’est parce que je me suis trompé sur les élections israéliennes du 17 mars que je me méfierai la prochaine fois. Enfin, l’Etat islamique ne passera pas le printemps, c’est promis !
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