En prédisant que conservateurs et travaillistes seraient au coude à coude lors des élections du 7 mai, les sondeurs britanniques se sont largement trompés. Et si le modèle statistique était en cause ?
Il fallait voir la tête des commentateurs et des politiques sur les chaînes de télévision britanniques (ou françaises) ! Alors que tous imaginaient un quasi-match nul entre conservateurs et travaillistes, les tories ont obtenu la majorité absolue. Les tweets des instituts de sondage après le vote du 7 mai faisaient d’ailleurs peine à lire : “Terrible nuit pour les sondeurs” (YouGov) ou encore “Sorties des urnes intéressantes” (Ipsos) – ce dernier étant évidemment de l’humour britannique.
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Comment les instituts de sondages se sont-ils trompés à ce point ? D’abord, ce n’est pas la première fois que les sondeurs britanniques “plantent” aussi gravement une élection. En 1992, ils avaient prédit une victoire travailliste : ce sont les conservateurs qui l’avaient emporté. Vingt-trois ans plus tard, la même catastrophe s’est donc reproduite et dans les mêmes proportions : 6 à 8 points d’avance pour les conservateurs dans les deux cas. Or il y a eu un signe avant-coureur : l’Ecosse. En septembre 2014, pour le référendum sur l’indépendance, les sondeurs prévoyaient un vote serré avec une légère avance du non. Au final, le non l’a emporté nettement (55,4 %).
La fameuse marge d’erreur
Pourtant, il s’agissait d’une élection simple à sonder : oui ou non. Pour expliquer leur erreur, les sondeurs ont eu recours à leur excuse favorite : les électeurs “honteux” qui prétendent voter pour un camp alors qu’ils votent pour l’autre. Le 7 mai, leur première réaction a donc été d’accuser les “conservateurs honteux” d’avoir démoli leur précieux modèle statistique.
Mais cette explication est trop courte et trop facile. D’une part, il n’y a pas de “honte” à voter conservateur en Grande-Bretagne (à l’inverse du vote Front national pour la France, qui est souvent sous-évalué par les sondeurs). D’autre part, l’unanimité des résultats sondagiers rend cette explication suspecte. Finalement, les sondeurs britanniques se sont raccrochés à une explication moins embarrassante : la fameuse marge d’erreur. Le match était si serré entre les deux partis que la victoire pouvait basculer de l’un à l’autre dans une proportion de 3 à 4 points. C’est un peu court : l’avance des conservateurs est tout de même de 7 points, largement au-delà de la marge d’erreur.
Des sondeurs inspirés par les méthodes américaines
En vérité, les modèles statistiques sur lesquels reposent les calculs partisans, et donc les sondages, ont tout simplement vieilli. Ils ont été entièrement revus en 1992 et, depuis, à peine retouchés. On comprend les sondeurs : changer un modèle de calcul nécessite de très lourds investissements et des années de travail. Or les sondages politiques ne leur rapportent rien, ou si peu. Ce qui rapporte, ce sont les enquêtes commerciales, les sondages sur les lessives ou les paquets de biscuits. Le secteur “politique” n’existe, au fond, que pour assurer leur notoriété à moindre frais. Connaîtriez-vous sinon Ipsos ou BVA ?
Le problème, c’est que la mésaventure des sondeurs britanniques est loin d’être isolée. De la même façon, les sondeurs israéliens ont été incapables de prédire la victoire de Netanyahou aux élections du 17 mars. Mêmes aléas sondagiers en Espagne. Qu’ont en commun ces trois pays ? Des sondeurs largement inspirés par les méthodes (téléphone/internet) américaines. Et quel autre pays d’Europe s’abreuve aux mêmes sources sondagières yankees ? La France. La catastrophe est donc servie pour 2017.
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