Finis les débats sur le prénom de la princesse Charlotte, tous les yeux britanniques sont désormais tournés vers les élections générales de vendredi. Des élections encore indécises, à deux jours du scrutin.
David Cameron ou Ed Miliband ? Conservateur ou travailliste ? La campagne électorale qui a tenu en haleine les électeurs britanniques arrive à son terme jeudi avec des élections générales encore indécises. Ces élections les plus incertaines depuis longtemps ne verront certainement aucune majorité nette se dégager parmi les 650 sièges de la chambre des Communes. A la veille de déterminer le nouveau Premier ministre britannique, l’horizon politique du Royaume-Uni est embrumé.
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Entre les ronds de jambe à l’adresse des indépendantistes écossais ou des anti-européens du Ukip, le rôle inattendu joué par l’humoriste Russell Brand ou les gaffes disséquées par les tabloïds, retour sur ces élections britanniques en sept questions.
Qui sont les principales forces en présence ?
Les deux grands partis traditionnels britanniques, les conservateurs de David Cameron à droite, les travaillistes d’Ed Miliband à gauche, vont devoir former une coalition avec d’autres partis minoritaires afin de s’assurer une majorité claire. Les Britanniques sont très peu habitués aux coalitions. Pendant longtemps, un parti émergeait au-dessus des 40%, assez pour gouverner seul.
Là, travaillistes et conservateurs bataillent autour des 35%. Les travaillistes cavalaient pourtant en tête depuis plusieurs mois. Mais le jour de l’élection se rapprochant, les conservateurs ont fait leur retard. Pour conquérir les clés du 10, Downing Street, il va donc falloir que les deux principaux partis s’allient aux nouvelles forces politiques émergentes.
Quel rôle à jouer pour les autres partis ?
Sur les ailes, deux partis ont gagné de plus en plus de poids politique ces derniers mois. D’un côté, les eurosceptiques populistes Ukip et leur hargneux chef de file Nigel Farage pèsent 13% des voix selon les sondages. Ils pourraient s’allier aux conservateurs, mais cela poserait directement la brûlante question de l’Union européenne.
De l’autre côté, les indépendantistes écossais SNP et la redoutable Nicola Sturgeon, devraient emporter 56 des 59 sièges de la chambre des Communes dévolus à l’Ecosse. Le SNP devrait dans tous les cas voter contre les conservateurs pour l’élection du Premier ministre, voulant à tout prix éviter un référendum sur l’Union européenne et une possible sortie de l’UE. A gauche, reste le Green Party, les Verts d’outre-Manche, qui devraient briguer environ 5% des voix et garder leur siège à la chambre des communes. Parti jeune, il est la seule alternative de gauche au parti travailliste.
Reste, au centre, les libéraux-démocrates de Nick Clegg, vice-Premier ministre de David Cameron. Ce dernier avait le vent en poupe en 2010 (à tel point que les médias britanniques parlaient de Cleggmania), mais a depuis connu l’exercice du pouvoir et déçu beaucoup de ses électeurs. Le parti centriste ne vaut plus aujourd’hui que 8% des voix. Tiraillé entre les deux grands partis, Nick Clegg et ses lib-dem n’ont pas encore fait leur choix.
Qui est Ed Miliband, le candidat travailliste ?
Leader du Labour depuis 2010, Ed Miliband avait ravi cette place à son frère David dans une lutte fratricide qui s’était terminée par une victoire d’une courte tête d’Ed. Voulant rompre avec les années Tony Blair et la politique pro-business du New Labour, Ed Miliband veut « rediscuter l’héritage travailliste, comme l’affirme Florence Faucher, professeur de sciences politiques à Sciences Po Paris et co-auteure en 2013 de l’ouvrage « Les gouvernements néo-travaillistes ». Il a donc orienté sa politique en se démarquant à la fois du New Labour et en réfléchissant à un travaillisme moderne. »
Fils d’un intellectuel marxiste d’origine juive polonaise, Ed Miliband a toujours revendiqué les idées de lutte sociale, de liberté, de justice. Mais il pâtit aussi d’une image d’intello un peu dans le vague et coincé, comme le rapportait Slate dans un portrait de Frédéric Martel. Pendant la campagne électorale, il a tenté de s’assurer une stature de potentiel Premier ministre. Mais a aussi su séduire les adolescentes, comme l’a prouvé le phénomène des Milifans, les jeunes groupies d’Ed Miliband sur les réseaux sociaux.
💜🌼ed miliband flower crown edits🌼💜 pic.twitter.com/leGcMXjURg
— caity // exams (@russellhowhard) 20 Avril 2015
Quel bilan pour David Cameron ?
Arrivé au pouvoir en 2010, le conservateur David Cameron a surtout eu à affronter une économie en berne, qu’il a tenté de redresser. Avec succès si l’on s’en tient aux chiffres de la croissance du PIB : après une nette reprise en 2013, la politique économique des conservateurs a été couronnée d’un glorieux 3% de croissance sur l’année 2014. Une politique d’austérité conjuguée à un recours aux entreprises privées dans des domaines comme la santé ou l’éducation leur ont assuré un bilan positif.
Mais ce rebond économique est vécu différemment selon où l’on se place dans la société britannique. C’est ce qu’explique Florence Faucher : « Il y a certainement eu un succès de la politique d’austérité menée par David Cameron mais au prix d’une restriction budgétaire importante, notamment des aides sociales avec la restriction des allocations notamment. » Une bulle immobilière potentielle s’est aussi créée, avec un accès plus difficile au logement pour les plus pauvres, notamment dû à un déficit de construction.
Quels ont été les thèmes de la campagne électorale ?
On aurait pu s’attendre à voir les candidats s’écharper sur la sortie ou non de la Grande-Bretagne de l’Union européenne. Eh bien, no. « Et c’est assez peu étonnant, explique Florence Faucher. Les conservateurs ont peur du parti Ukip, donc ils préfèrent parler le moins possible de l’Europe. Les travaillistes n’aiment pas trop en parler non plus, car il peut y avoir, comme en France avec le PS et le Front National, une hémorragie d’électeurs qui partiraient vers Ukip. »
De quoi parle-t-on alors ? D’économie, surtout. Les conservateurs ont appuyé sur leur bilan, et essayé de mettre mal à l’aise Ed Miliband et les travaillistes, un parti historiquement gêné par la question économique (mis à part sous Tony Blair et Grodon Brown). Mais, avec une campagne axée sur la réduction du gouffre entre les classes pauvres et les élites économiques, « Ed le Rouge » a pris la question à bras le corps. Autres questions qui ont rythmé le débat depuis plusieurs semaines : l’immigration, les services de santé ou le programme nucléaire Trident, basé en Ecosse.
Quels ont été les rebondissements de la campagne électorale ?
Tout a commencé il y a un an par un sandwich au bacon englouti maladroitement par Ed Miliband en pleine campagne pour les élections municipales et européennes. Dans un effort pour se montrer proche du peuple, le leader travailliste a tenté de manger la nourriture de Mr Tout-le-monde pour finir par faire le bonheur des photographes présents. David Cameron, un an plus tard, a dû se souvenir de cet épisode quand il a attaqué un hot dog à la fourchette et au couteau le 7 avril dernier. Ce qui n’a pas amélioré son image de snob.
Deux histoires de sandwich qui cristallisent l’obsession médiatique autour de n’importe quels faits et gestes des candidats en campagne. « Cet aspect de la communication politique, avec la multiplication des opérations de communication, s’est développé depuis le mandat de Margaret Thatcher, rappelle Florence Faucher. Il y a eu une forte professionnalisation avec l’arrivée de communicants, de spin doctors, et en face, un marché médiatique qui ne fonctionne pas comme en France. Les journaux populaires sont très marqués politiquement, et il y a une forte compétition avec les chaînes d’information en continu. »
Une multiplication de micro-événements de campagne qui a conduit à plusieurs gaffes. Il y eut par exemple la rencontre incongrue entre un Ed Miliband gêné et un groupe de jeunes femmes célébrant un enterrement de vie de jeune fille.
The stripper had just arrived for @nicolab13 hen do..! #EdMiliband pic.twitter.com/FiiquYldqC
— Anna Heaford (@anna_heaford) 18 Avril 2015
Ou ce fut David Cameron qui oublia qu’il supportait l’équipe de football d’Aston Villa et encourageait le peuple britannique à supporter West Ham. Plus récemment, c’est un lapsus peut-être révélateur qui a fait le bonheur de la presse. Lors d’un discours à Leeds, David Cameron a affirmé que l’élection allait être un « moment qui définirait sa carrière », puis s’est immédiatement repris, disant que cela allait « définir le pays ».
Le soutien de Russell Brand, tournant de la campagne ?
L’opération de communication la plus réussie finalement fut peut-être l’oeuvre d’Ed Miliband. Celui-ci a pris le pari risqué d’une interview avec l’humoriste Russell Brand, 9,5 millions de followers sur Twitter et une aura de gourou de l’abstentionnisme auprès de ses jeunes fans. Durant les 15 minutes d’entretien un peu surréalistes, Ed Miliband se montre le plus convaincant possible face à un Russell Brand dont le grand combat actuel est la lutte contre les élites.
Et au final, le soutien inattendu de l’humoriste-activiste lundi dernier, exhortant ses jeunes fans à voter Ed Miliband. « Ce que j’entends, c’est qu’Ed Miliband dit que si nous parlons, il écoutera. A partir de là, je pense que nous n’avons pas d’autre choix que d’agir. » De quoi faire basculer l’élection ?
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