Alors que le taux d’abstention pourrait battre des records, les Américains détestent avouer qu’ils ne se sont pas rendus aux urnes. Le geste est loin d’être revendiqué par les citoyens…….
Laura et Debbie, originaires de Syracuse, au nord de l’Etat de New York, se plaignent du bipartisme qui gangrène, selon elles, le système démocratique américain, et bondissent d’envie à l’évocation des seize candidats français de 2007. Pourtant, elles sont allées voter, et voient d’un très mauvais œil le fait de rester chez soi en ce mardi prétendument crucial.
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« Ok, en fait si je comprend bien, ce n’est même pas une démocratie ici, juste un jeu, et les petits candidats sont inutiles car ils doivent récolter 1%, tous réunis. Pourtant nous nous déplaçons, mais pour le moins pire », affirment-elles.
Là où des doléances similaires poussent nos compatriotes à affirmer la même chose, avant d’être présents en masse dans les isoloirs, difficile de débusquer les réticents, et encore davantage de les faire parler à visage découvert, aux USA. La démarche est considérée comme piteuse et malvenue.
« Je ne vote pas, parce que ma voix ne servirait à rien »
Lors de nos premières recherches il y a quelques semaines, les réponses sont outrées : « Je ne connais ni abstentionniste, ni personne votant pour Romney », nous répond cette expatriée binationale. Pas étonnant cependant que démocrates et républicains convaincus prêchent pour leur paroisse. Mais les déçus, eux, seraient en droit de revendiquer haut et fort leur différence. Ce qu’ils ne s’autorisent pas. Adam, originaire de Binghamton, ne veut pas donner son nom :
« Obama avait promis de changer l’attitude de ce pays, et il ne l’a pas fait. Lors de l’élection, c’est comme si tout était possible, et puis le bullshit reprend. Les choses sont ainsi faites… Je me demande si cette nation ne s’est pas perdue en chemin. Du coup, je ne vote pas, parce que je ne me suis pas enregistré, et parce que ma voix ne servirait à rien. Peu m’importe qui gagne ce soir. »
Plus au sud, New York City : sur le chemin des résultats, de Brooklyn à Manhattan, avant la clameur de la foule et l’enthousiasme des locaux et des touristes, à Times Square, au milieu des centaines de journalistes correspondants rivés à leur ordinateur, dur de dérider les non-votants. De très nombreux habitants refusent tout net de répondre dès qu’il entendent le mot « élection », ou débutent un semblant d’explication, puis prétendent qu’ils ne sont pas citoyens américains. Pratique. « Pourquoi je voterais ? Est-ce qu’un des deux candidats va me rapporter davantage d’argent ? », tente ce commerçant de Roebling Avenue, avant de faire machine arrière. « Non, je plaisante, je vais y aller en sortant du boulot. Mais pourquoi cela vous intéresse tant, les gens qui s’abstiennent ? », essaie-t-il. Autour de lui, ses collègues sourient mais ne parlent pas.
Même chose dans le rues suivantes, dans le métro J qui mène pourtant une foule compacte vers le centre-ville. Il est alors 18 heures, les premières estimations vont tomber dans une heure. Il n’y aura plus de marge de manœuvre pour les mécontents. Mais y en a-t-il une en Amérique ?
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