Lundi 14 janvier, l’association Russie-Libertés organisait une conférence sur l’état de la liberté artistique dans la Russie d’aujourd’hui. L’occasion d’un dialogue privilégié avec Ekaterina Samoutsevitch, artiste et membre de Pussy Riot.
Revenons sur le procès de Pussy Riot et cette accusation de blasphème…
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Tout au long de notre procès, il y eut ce problème de la composante religieuse prétendument inhérente à notre action alors même que nous n’avions pas conçu notre happening comme un évènement religieux. Si nous étions conscientes d’une possible interprétation blasphématoire de ce happening, nous savions pertinemment qu’elle n’était pas celle à retenir. L’essentiel était bien de s’élever contre le pouvoir politique russe. Oui, notre concert était avant tout une action artistique dénonçant ce que fait l’Etat russe en ce moment.
Derrière cela, une critique véhémente de l’utilisation, par le régime russe, de l’église orthodoxe et des représentants religieux…
Le pouvoir russe s’est emparé de la religion et utilise les symboles et l’ensemble de l’ordre orthodoxe à son profit. Dans le même temps, il mène une politique ultra conservatrice à l’égard des minorités, les femmes et LGBT en premier lieu. Cette politique rétrograde est encouragée par l’Eglise. C’est pour cela que notre groupe a mené sa dernière action en la cathédrale du Christ Saint-Sauveur à Moscou.
(Poursuivant dans son élan) Durant le procès, nous avons senti que le pouvoir utilisait à fond l’argument du blasphème pour nous piéger. On a vendu à l’opinion que notre action était une attaque contre les valeurs russes et les valeurs chrétiennes. Cela a malheureusement fonctionné sur l’opinion russe… Dès lors, une partie de la Russie nous voyait comme des athéistes militantes et pensait que nous soutenions une exposition qui avait fait grand bruit (l’exposition « Attention : Religion ! », ndlr). Le pouvoir a réussi à brouiller les cartes autour de nos intentions premières ; nous faisions d’abord de l’Art, ce qui a largement été oublié…
En tant que groupe, les Pussy Riot vont-elles continuer à agir ?
(Evasive) Maintenant et en raison des problèmes, il apparaît très difficile voire impossible de continuer… Reste notre objectif était à l’origine de créer un phénomène viral. Si quelqu’un veut le répéter, libre à lui…
Un mot sur la nécessité de mener le combat féministe en Russie ainsi que sur les Femen ?
Voyez : la télévision a diffusé un film en trois parties sur notre histoire, film dont la thèse était que nous n’étions, nous Pussy Riot, que trois petites connes manipulées par Boris Berezovsky (milliardaire russe actuellement en exil à Londres, ndlr). Il est intéressant de constater qu’en Russie, on a beaucoup de mal à accepter que des femmes puissent utiliser l’Art comme un moyen d’expression. Tout cela n’est pas grave et prouve au contraire que nous n’agissons pas en vain. Il faut continuer la lutte ! Concernant les Femen, je ne les juge pas, je comprends ce qu’elles font mais je n’aurais pas scié une croix comme elles l’ont fait à Kiev. En l’occurrence, ce n’est pas armé de cet esprit là que les Pussy Riot sont passées à l’action.
Quels sont vos projets pour le futur ? Avez-vous reçu des propositions depuis la fin du procès des Pussy Riot ?
Oui, il y a eu beaucoup de propositions, certaines assez improbables, d’autres plus sérieuses. Des ONG, des théâtres m’ont proposé de travailler avec eux. Pour l’heure, le combat reste cependant de faire libérer Nadejda Tolokonnikova et Maria Alekhina, les deux Pussy Riot encore emprisonnées ainsi que de faire déclassifier les vidéos de nos performances jugées « extrémistes » et donc interdites par le pouvoir russe.
Accepteriez-vous la nationalité française comme le proposait récemment des élus d’Europe Ecologie Les Verts (EELV) ?
Ah, pourquoi ne pas accepter la nationalité française ? Mais je dois avouer que je ne parle pas la langue et ne sait pas vraiment dans quelle mesure cela peut vraiment être possible. Mais il est certain que j’aimerais voir autre chose, découvrir le monde…
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