Déprime chez les défenseurs de l’égalité des droits ? Contre l’attentisme, l’abattement et la morosité ambiante, la bande des Oui oui oui propose une thérapie collective pour clouer le bec aux homophobes.
La petite entreprise homophobie ne connait pas la crise. Epanouie, elle exhibe en quelques semaines des horreurs gratinées, surannées à souhait, dans la presse, sur la place publique ou à l’Assemblée nationale, sans qu’aucune opposition visible ou audible ne se manifeste. La France de 2012 offre un pot-pourri de cathos intégristes travestis en albatros ivres ; de retour de la décadence pré fin du monde ; de comparaison tombant probablement sous le coup de la loi ; de reculade présidentielle ; d’affiches UMP transcendant le mauvais goût. Et on en passe.
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Face à la charge, chacun sa méthode. « De toute façon, la loi passera », se justifie le ventre mou. Les plus atteints optent pour le Lexomil ou l’exil au Brésil. D’autres encore ne veulent pas s’en laisser compter. Fin octobre, Yuri, ingénieure à l’étranger, prend une claque en feuilletant la presse à l’aéroport.
« J’étais dégoutée », raconte-elle, « une première vague de réaction au projet de loi sur le mariage pour tous déchainait les réactions homophobes d’intellectuels, de psy, de politiques et de journalistes sous couvert d’impartialité professionnelle. »
En arrivant à Paris, elle téléphone à des copines : « Elles étaient encore plus énervés que moi ». Marre de subir, il fallait agir.
« Oui oui oui n’a pas un papa-une maman »
Le 17 novembre, plusieurs dizaines de personnes se regroupent sur le passage de la manifestation « anti mariage gay » qui a rassemblée 70 000 personnes à Paris. « Cela nous paraissait important de nous montrer, de dire : on est pas d’accord », raconte Alix Béranger. Ensuite, grâce aux réseaux sociaux, tout va très vite. Une mailing liste se monte et rassemble potes, militants d’assos ou d’autres collectifs (La Barbe, SOS homophobie, Gouines comme un camion, Foleffet, Aides, Panthères roses, Act Up…) ainsi que de « simples citoyen(ne)s » écœurés qui veulent faire entendre leur voix.
Le collectif Oui oui oui (dont certains journalistes des Inrocks font partie) est né. Il se présente ainsi : « créé par différents groupes, associations, organisatrices/teurs de soirées gouines, trans, pédés, hétéro-te-s et bi-e-s et simples citoyen-ne-s luttant pour une complète égalité des droits et souhaitant amplifier par leurs propres moyens la visibilité de la manifestation pour l’égalité du 16 décembre à Paris ». Yuri précise :
« Oui oui oui n’a pas un papa-une maman. On reste multiples, contradictoires et éphémères. En agissant politiquement et publiquement ensemble, on tente de dépasser les catégories et les identités pour aller vers une égalité plus large. »
Contre l’immobilisme et la violence de l’ignorance de la France qui dit « non », le collectif Oui oui oui oppose la répétition hypnotique d’un « oui » quasi orgasmique. Le but ? Reprendre la rue aux homophobes.
http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=qcuBxqAdEJc
La structure du collectif est souple, sans hiérarchie. Une idée est validée dans la journée. « Le but est d’aller vite, de multiplier les actions, pas d’attendre d’être 50 000. Ce qui compte, c’est d’être visible », explique Cendrine, qui, il y a un mois, n’avait encore jamais milité. Le mode opératoire est issu le mode opératoire est issu du happening et du picketting. « On revendique gaité, enthousiasme et fraicheur, crier fait un bien fou, c’est hyper libérateur », ajoute Cendrine.
Mails aux députés, descente au rayon mariage des Galeries Lafayette…
Le 29 novembre, Oui oui oui manifeste devant l’Assemblée le jour de l’audition du cardinal André Vingt-Trois. Le député Yann Galut (gauche) descend de son bureau pour leur montrer la dizaine de mails reçu chaque jour d’opposants à la loi. Le collectif réagit dans la foulée et lance une campagne qui appelle à écrire aux députés en sa faveur.
Le 9 décembre, les Oui oui oui font une descente au rayon mariage des Galeries Lafayette. Un secteur qui aurait tort de ne pas soutenir l’égalité des droits et les futures parts de marchés qu’elle pourrait représenter, alors que le nombre de mariages est en baisse. En 2000, d’après les chiffres de l’Insee, 300 000 mariages ont été célébrés, contre 240 000 en 2011.
Les Oui oui oui insistent particulièrement sur l’ouverture à la Procréation médicalement assistée (PMA) pour les femmes homosexuelles – grande absente du projet de loi en attendant qu’un amendement en sa faveur ne soit déposé en janvier lors du débat à l’Assemblée nationale. « Le PS porte cet amendement avec la même (absence de) ténacité que l’actuel projet de loi », s’indigne le collectif.
Anne Laffeter
Prochains rendez-vous : manifestation du 16 décembre pour l’égalité des droits place de la Bastille à Paris. Et tous les dimanches jusqu’au vote de la loi. www.ouiouioui.org
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