Cette semaine, le sociologue et écrivain Edouard Louis était l’invité de l’émission “Dans le Genre” sur Radio Nova. Pendant près d’une heure, il est revenu sur son parcours, de son enfance dans un village ouvrier du Nord de la France, sujet de son premier roman “En finir avec Eddy Bellegueule”, à la parution de son dernier ouvrage, “Qui a tué mon père ?”.
Réfléchir sur la virilité, sur la féminité et sur le genre. Tel est l’objet de l’émission Dans le genre présentée par la journaliste des Inrocks Géraldine Sarratia sur Radio Nova. Pendant une heure, deux fois par mois, elle convie un invité pour parler de son rapport au genre et à l’identité. Cette semaine, le sociologue et romancier Edouard Louis s’est prêté au jeu.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
« Pour toi, construire un corps masculin voulait dire ne pas se soumettre au système scolaire, ne pas se soumettre aux ordres, à l’ordre et même affronter l’école et l’autorité qu’elle incarnait. (…) Construire sa masculinité, c’était se priver d’une autre vie, d’un autre futur, d’un autre destin social que les études auraient pu permettre », déclame le narrateur de Qui a tué mon père ?. Dans ce troisième opus, Edouard Louis revient sur l’histoire de son père, un homme au corps meurtri que la violence étatique a fini par achever. En filigrane, l’auteur mène aussi une réflexion sur la construction et l’image de la virilité au sein de la société.
Enfance : En finir avec Eddy Bellegueule
« Dépossédée ». C’est avec ce terme que le romancier définit sa famille de prolétaires picards que la vie n’a pas épargnée. Le jeune Eddy Bellegueule grandit dans un village ouvrier du nord de la France, « éloigné de tout » et surtout de la culture. Son père, homme viril des classes populaires, entretient des relations sèches avec son fils, ce petit garçon au corps efféminé qui ne parviendra jamais à « intégrer les codes de la masculinité » : « les pères constituaient leur masculinité à travers leurs fils, comme une forme de prolongement d’un idéal masculin. Moi j’ai échoué. J’ai cassé les espoirs de mon père car j’étais quelqu’un d’efféminé, un enfant attiré par les garçons (…) je n’ai jamais été le fils que mon père aurait voulu avoir », confie l’auteur à la journaliste avec une certaine gravité. Quant à sa mère, femme soumise écrasée par le poids de la masculinité de son mari, elle finira par le quitter pour mieux se réinventer.
« Toute l’histoire de mon enfance était l’histoire d’une guerre des genres constante qui était toujours une guerre des classes. Ma mère vivait une situation d’oppression, et en même temps elle avait un véritable mépris pour les hommes. »
À l’adolescence, le jeune homme adoptera la même conduite que sa mère, pour enfin prendre possession de son corps et de son identité. « L’enfance est un moment où je ne me sentais à côté de mon corps », poursuit l’auteur. Son arrivée au lycée sera déterminante dans la construction de sa personnalité. Il décide alors de modifier son apparence, de changer son nom en Edouard Louis et d’adopter une nouvelle gestuelle, plus en adéquation avec la personne qu’il veut être. Il découvre aussi toute une littérature et un champ cinématographique sur l’homosexualité qui lui font enfin prendre conscience « qu’il n’est pas tout seul ».
Sa vision de la virilité
Pour Edouard Louis, la virilité est « un système de codes qui s’abat sur les individus ». Ces normes, il ne les dissocie jamais des questions de classe qui habitent son œuvre ni même des problématiques raciales. Pour repenser la classe aujourd’hui, il faut nécessairement selon lui prendre pour prisme ces deux paradigmes : « aujourd’hui, il y a des gens différents qui prennent la parole. On ne peut pas parler de classes populaires sans parler des gays, sans parler des femmes, sans parler des Noirs, sans parler des Arabes », a ajouté le sociologue.
Pour réécouter l’émission et en savoir plus sur Edouard Louis, c’est par ici.
{"type":"Banniere-Basse"}