Pour l’auteur de Qui a tué mon père, l’action du Comité Adama “ramène la question de la vie et de la mort au cœur de la question politique” et opère un décalage par rapport au vocabulaire politique classique.
“Après la mort d’Adama Traoré, on a vu émerger un mouvement exprimant des formes de violence sociale qui sont peu entendues dans l’espace public. Un grand mouvement de lutte sociale comme le Comité Adama, comme les Gilets jaunes, comme les révoltes en 2005 dans les banlieues, font apparaître ce que la société s’acharne à invisibiliser.
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La radicalité d’Assa Traoré et du Comité Adama ramènent la question de la vie et de la mort au cœur de la question politique et essaient de développer un discours et une réflexion autour de cette question. Le frère d’Assa est mort, les garçons noirs et arabes dans les quartiers populaires risquent sans cesse la mort. Qu’est-ce qu’il peut y avoir de plus important que ça ? Que des gens, parce qu’ils appartiennent à un certain groupe, à une certaine catégorie sociale, aient un corps exposé à la mort. La vérité de cette société, c’est qu’appartenir à une certaine catégorie, avoir une certaine place au monde, opère une distinction entre des corps exposés et des corps protégés.
Quand Assa parle de son frère, elle emploie un discours radicalement nouveau qui rompt avec toute une tradition discursive de la gauche. Par exemple, elle dit : “On a volé les rêves de mon frère” ; “Mes frères, on leur a volé leur jeunesse, ils ont tout de suite été saisis par le système policier, par le racisme d’Etat.”
C’est très important parce que beaucoup de gens dans les quartiers populaires ne se sentaient pas, jusqu’à aujourd’hui, représentés politiquement par la gauche qui a tendance à remettre toujours la question économique au centre et le néolibéralisme comme instrument principal de la violence sociale. Assa et le comité arrivent en décalage avec le vocabulaire traditionnel des mouvements sociaux et le renouvellent profondément.
C’est mon ami Geoffroy de Lagasnerie qui a le premier attiré mon attention sur le comité. J’ai voulu accompagner le mouvement et Assa, mettre tous les outils qu’on a à disposition pour remporter ce combat, pour le rendre visible. Il s’est d’abord mené par la présence dans les manifestations à Persan-Beaumont en mémoire d’Adama Traoré. C’est très important car il y a un inconscient du mouvement social, presque un inconscient géographique, et donc social et racial, qui fait que l’on attend toujours des banlieues qu’elles aillent faire la convergence des luttes à la Sorbonne. Mais il paraît moins évident que les étudiants blancs ou du centre-ville se déplacent en banlieue.
Assa a initié un déplacement du centre de la contestation sociale. Et puis, il y a l’amitié. Assa et Geoffroy parlent de l’amitié comme mode de lutte. On se voit, on parle, on se renforce. C’est une manière de résister. Je pense que le comité crée une énergie politique très puissante et produit une sorte de champ de force. On s’est rapprochés de la famille Kamara ; pour l’affaire Théo, on était là aussi. Il y a une multiplication des combats possibles par la force que produit le comité Adama.”
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