Et si l’une des pistes les plus prometteuses pour résoudre la crise était la réduction du temps de travail ? En ce moment, tout le monde parle de croissance. Mais de laquelle parle-t-on ? De la croissance “de droite”, qui consiste à rogner sur la protection sociale et à détricoter le droit du travail ? […]
Et si l’une des pistes les plus prometteuses pour résoudre la crise était la réduction du temps de travail ? En ce moment, tout le monde parle de croissance. Mais de laquelle parle-t-on ? De la croissance “de droite”, qui consiste à rogner sur la protection sociale et à détricoter le droit du travail ? Ou de la croissance “de gauche”, qui consiste à investir et à créer des emplois ? Et à supposer que l’on pense à la relance de type keynésien, il ne suffit pas de la décréter pour qu’elle advienne. Même en lançant de grands plans de développement durable européens, pas sûr que des taux de croissance significatifs et une baisse sérieuse du chômage adviennent rapidement. D’autant que le mur des dettes encombre une partie de l’horizon.
Alors, travailler moins ? Politiquement, les 35 heures n’ont pas bonne presse. Excellente dans l’esprit, la loi Aubry a hélas été appliquée sans souplesse ni négociations branche par branche, désorganisant les services publics. Pourtant, de nombreux pays européens travaillent moins de 40 heures sans que cela fasse scandale. En outre, avec le développement des emplois précaires ou à temps partiel, la moyenne d’heures ouvrées par habitant baisse mécaniquement. La durée du temps de travail décroît et le chômage croît, quoiqu’en dise et promette la droite.
On ne peut plus masquer cette donnée en creusant nos dettes et en vivant à crédit perpétuel. Elevons le débat à hauteur historique en citant Albert Einstein, qui écrivait en 1933, alors que l’avènement d’Hitler créait le chaos économique, dans Comment je vois le monde : “Le progrès technique qui pourrait libérer les hommes d’une grande partie du travail nécessaire à leur vie est le responsable de la catastrophe actuelle.” Du XIXe au milieu du XXe siècle, les gains de productivité ont peu augmenté alors que le temps de travail a considérablement baissé avec la semaine de 40 heures. Depuis l’après-guerre, c’est l’inverse. Le temps de travail a peu bougé alors que la productivité faisait des bonds de géants : ordinateurs et robots font le travail jadis dévolu aux gens en un processus massif et mondial.
Là réside peut-être le grand bug qui est en train de rendre dingues et pauvres des millions de gens. Travailler moins, ce n’est pas une lubie de feignant mais une hypothèse macro-économique logique qui va dans le sens de l’histoire, du progrès social et des évolutions technologiques. Elle peut aussi contribuer à rendre nos vies plus vivables.