Alors que le monde arabe n’en finit pas de secouer un statu quo que l’on avait fini par croire immuable, la passion des médias et opinions occidentaux semble diminuer depuis les grands soirs tunisiens et égyptiens. Certes, on continue de s’intéresser de près à la Libye, peut-être parce que nos forces armées y sont impliquées. […]
Alors que le monde arabe n’en finit pas de secouer un statu quo que l’on avait fini par croire immuable, la passion des médias et opinions occidentaux semble diminuer depuis les grands soirs tunisiens et égyptiens. Certes, on continue de s’intéresser de près à la Libye, peut-être parce que nos forces armées y sont impliquées.
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A l’heure de rédiger cet édito, la situation libyenne semble évoluer vers le scénario positif. Les rebelles ont repris un certain nombre de lieux stratégiques, Tripoli est bombardé par la coalition et le commandement de l’opération passe aux mains de l’Otan. Le spectre d’un enlisement s’éloigne, la chute de Khadafi se rapproche. Avec toujours la question pas simple de l’après. Le nouveau foyer brûlant est la Syrie, ce qui devrait ébahir l’opinion.
La Syrie, pays du régime de fer de la dynastie al-Assad, occupant de fait du Liban, commanditaire d’attentats (dont peut-être celui qui coûta la vie au président libanais Hariri), en première ligne dans le conflit avec Israël ! Que sa population ait le courage de se soulever, que ce régime puisse vaciller, c’est énorme. Au Yémen aussi, la rébellion connaît quelques succès, mais les révoltés du Yémen combattraient sous la bannière Al-Qaeda. Entre la peste et le choléra, qui soutenir ?
Par contre, on aurait volontiers soutenu la révolte au Bahreïn, initiée par une jeunesse éprise de liberté. Mais pas de coalition occidentale pour cette pétromonarchie aux moeurs pourtant plus libérales que son puissant voisin saoudien. La révolte y a été transformée par la propagande gouvernementale en affrontement chiites-sunnites puis écrasée avec le soutien militaire de l’Arabie Saoudite. Cet Etat clé des intérêts occidentaux est du côté du pouvoir au Bahreïn, mais de celui des rebelles en Libye : un bon indicateur des complexités de la “révolte arabe”.
Pendant ce temps, le peuple égyptien se rendait en masse aux urnes pour approuver à plus de 77 % le projet de réforme constitutionnelle. C’est formidable, mais moins spectaculaire que des bombardements. Il n’y a pas une mais des révoltes arabes, avec des contextes, des vitesses et des perspectives propres à chaque pays. Deux choses sûres dans cet océan d’incertitudes : c’en est fini du vieux monde arabe figé de l’après-guerre froide, et la mutation sera longue, portant autant d’espérances que de risques.
Serge Kaganski
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