“Justice” ont clamé Obama et la majorité des journaux américains après la mort de Ben Laden. Si on se réjouit du coup porté à Al-Qaeda, on peut penser que le mot “justice” a un autre sens en démocratie : un procès parachevé par un verdict, pas un assassinat ni une vengeance de western. Pour la […]
“Justice” ont clamé Obama et la majorité des journaux américains après la mort de Ben Laden. Si on se réjouit du coup porté à Al-Qaeda, on peut penser que le mot “justice” a un autre sens en démocratie : un procès parachevé par un verdict, pas un assassinat ni une vengeance de western.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Pour la justice, mais aussi pour la pédagogie historique et géopolitique, il aurait mieux valu le capturer vivant. On a bien jugé les criminels nazis ou serbes. Nous n’aurons pas de Nuremberg du terrorisme islamiste et c’est décevant de la part de l’administration Obama. Ben Laden mort, il semble plus vivant que jamais, squattant directement ou par la bande les unes mondiales.
C’est logique, Ben Laden étant plus un symbole, un fantasme, une présence latente qu’un être de chair. En Occident, on spécule sur les soutiens pakistanais du défunt chef djihadiste. Dans le monde musulman, on s’interroge sur la complicité du Pakistan dans la traque. Ces interrogations a priori contradictoires ne font qu’illustrer la nature duplice de ce pays de plus de 160 millions d’habitants qui possède l’arme nucléaire : officiellement allié des Etats-Unis et de l’Occident, réellement une place forte de l’internationale islamiste, avec des services secrets infiltrés par les fondamentalistes, la peine de mort pour le délit de blasphème. Et les Pakistanais qui osent contester cette loi sont assassinés, fussent-ils gouverneur du Penjab ou ministre des Minorités religieuses.
Dans la question des équilibres géopolitiques, le Pakistan pèse sans doute plus lourd qu’Al-Qaeda, marque déposée qui fait plus de peur que de mal, malgré le spectaculaire 11 Septembre. Et justement, 11 Septembre oblige, les théories complotistes fleurissent : à l’instar d’Elvis, et contrairement à Paul McCartney, Ben Laden ne serait pas mort.
En balançant le cadavre à la mer et en ne diffusant pas ses photos, l’administration US a ouvert la porte aux fantasmes. Certes, il ne faut pas gober aveuglément la communication d’un pouvoir, et on peut s’interroger sur la gestion de la fin de Ben Laden par la Maison Blanche, mais de là à délirer façon épisode de X-Files, stop ! L’héritage pourri de Ben Laden, c’est aussi cela : le scepticisme érigé en principe premier, la paranoïa touchant des pans de plus en plus grands de la population qui croient plus en leurs propres scénarios spéculatifs qu’aux faits mêmes.
Serge Kaganski
{"type":"Banniere-Basse"}