Après ce bel Euro et cette superlative Espagne, on pourrait se dire “It’s only football” comme auraient pu le chanter les Rolling Stones. Il est vrai que le foot contemporain est devenu le pénible business que l’on sait avec toutes ses dérives (lire l’édito de la semaine dernière). Mais les équipes nationales, c’est le service […]
Après ce bel Euro et cette superlative Espagne, on pourrait se dire “It’s only football” comme auraient pu le chanter les Rolling Stones. Il est vrai que le foot contemporain est devenu le pénible business que l’on sait avec toutes ses dérives (lire l’édito de la semaine dernière). Mais les équipes nationales, c’est le service public du foot, l’endroit où les joueurs de la plupart des pays oublient (et nous font oublier) un temps leur individualisme, leurs contrats, leurs salaires de ouf, leurs rivalités de clubs, pour l’honneur de porter les couleurs de leur pays, de bien jouer et de tenter de décrocher des trophées symboliquement précieux qui valent presque la Lune. Allemands, Portugais, Italiens l’ont prouvé sur le terrain, et les Espagnols plus que tous.
Le triomphe de la Roja est historique, pas seulement pour une affaire de stats (première équipe à réussir le triplé Euro-Mondial-Euro), mais parce qu’elle a réussi à imposer dans la durée un style merveilleux fait d’élégance technique, de fluidité collective, d’esprit de compétition, de maîtrise nerveuse, auxquels s’ajoutent l’humilité, la loyauté, la sportivité. Avec l’Espagne, la manière compte autant que le résultat, les petits dominent les costauds et les finales se gagnent 4 à 0. Comme certaines de ses brillantes devancières (le Brésil de Pelé ou de Ronaldo, la Hollande de Cruyff ou de Van Basten…), la formation ibère amène le foot aux frontières de l’art, vers l’expression suprême du dépassement de soi individuel et collectif. Cette équipe d’Espagne est impossible à copier mais il serait bon que nos internationaux français s’en inspirent, tant pour ce qu’elle fait avec les pieds qu’avec la tête et le coeur. Nos dirigeants aussi.
Bien sûr, piloter l’économie européenne est plus compliqué que le “tiki taka” de même que mettre en musique 11 joueurs est plus facile que 17 pays, mais on est frappé par le contraste entre le panache de l’Euro de foot et la frilosité de zone euro qui a attendu son 19e “sommet de la dernière chance” pour décider de mettre un gramme d’offensive (croissance, prêts aux Etats…) dans son jeu ultradéfensif (austérité, déficit zéro…). La Roja n’est pas Rajoy, elle n’influera pas sur la croissance ou le chômage, mais elle véhicule une forte charge symbolique. Alors d’accord, It’s only football, but we like it!