Encore une mauvaise idée de Sarkozy : faire transférer les cendres du général Bigeard aux Invalides. C’est là qu’entre autres fonctions et au-delà du tombeau de Napoléon Ier, on conserve le corps des généraux illustres. Illustre, le général Bigeard ? Oui, comme des milliers d’autres, il s’évada d’Allemagne et rejoignit les Forces françaises libres : […]
Encore une mauvaise idée de Sarkozy : faire transférer les cendres du général Bigeard aux Invalides. C’est là qu’entre autres fonctions et au-delà du tombeau de Napoléon Ier, on conserve le corps des généraux illustres. Illustre, le général Bigeard ? Oui, comme des milliers d’autres, il s’évada d’Allemagne et rejoignit les Forces françaises libres : un bon point. Mais ensuite ? Le voici en Indochine pendant la guerre coloniale et parachuté sur Diên Biên Phû lors de l’affreuse défaite que le Viêt-minh infligea à l’armée française. On le retrouve en Algérie, toujours la guerre coloniale.
En fait, Marcel Bigeard n’a jamais remporté aucune victoire, heureusement d’ailleurs, sauf lors de la bataille d’Alger, opération déshonorante par l’abjection de ses méthodes. C’est l’époque où le socialiste Guy Mollet, chef de gouvernement, et son garde des Sceaux François Mitterrand abandonnent les pouvoirs de police et de justice aux parachutistes de Massu et de Bigeard : quadrillage de la Casbah, arrestations massives, exécutions clandestines, torture généralisée. Les militants de l’indépendance algérienne jetés à la mer, les pieds pris dans un bloc de béton, on les appelle “les crevettes Bigeard”.
En France, on saisit les rares journaux qui protestent. Bigeard a-t-il torturé ? A la différence des généraux Massu et Aussaresses qui reconnaissent l’avoir fait ou laissé faire, sans grand remords d’ailleurs, Bigeard n’a pas ce courage. La torture ? Bien sûr qu’elle existait, reconnaît-il, mais pas chez lui ! “Tout le monde sait qu’il y eut de la gégène, déclara-t-il un jour (…) M’emmerdez pas avec ça, on en parle toute la journée, ça suffit.”
Peut-on accepter que dans le temple de l’honneur militaire français repose le corps d’un homme qui aurait sans doute pu être poursuivi pour torture, sinon pour crime de guerre ? Nous sommes nombreux à penser l’inverse comme le prouvent les milliers de signatures qui parviennent sur nonabigeardauxinvalides.net.
MAB, Bernard Zekri
Sur les épouvantables tueries auxquelles se sont livrées l’armée et la police françaises, deux livres récents et d’une impeccable information : Sétif 1945, chronique d’un massacre annoncé, de Jean-Louis Planche (Perrin) et Le 17 octobre des Algériens de Marcel et Paulette Péju (La Découverte).