Malgré les mesures et annonces politiques, les cas de violences graves s’accumulent. Profs et élèves à bout de nerfs refusent parfois de reprendre les cours. Jusqu’à « fermer les établissements scolaires où la situation est intenable », comme l’aurait suggéré Henri Guaino ?
8 janvier, mort d’un lycéen poignardé par un camarade au Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne). 19 janvier, une salle de classe incendiée à Tremblay (Seine-Saint-Denis). 2 février, un élève attaqué au couteau par une bande à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne). Arrêts des cours pendant deux semaines.15 février, un lycéen attaqué au cutter à Thiais (Val-de-Marne). « Droits de retrait » des enseignants. Les élèves flippent. Les profs craquent. Le 12 mars, les syndicats appellent à la grève pour dénoncer le lien entre politique de réduction des postes et violences.
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Depuis 2008, Nicolas Sarkozy et ses ministres de l’Education nationale accumulent les annonces sécuritaires médiatiques : sanctuarisation, vidéosurveillances, fouilles de cartables, portiques de sécurité, clôtures électriques, équipes mobiles de sécurité, policier référent… Rien n’y fait. Selon l’hebdomadaire Marianne (27 février), Henri Guaino, conseiller spécial de chef de l’Etat, se demanderait s’il ne faut pas « fermer les établissements scolaires où la situation est intenable ». Cette option a été discutée du temps de Xavier Darcos, remplacé en juin 2009 par Luc Chatel. Radicale, une telle mesure est-elle envisageable ?
« Pourquoi pas ? », répond Eric Debarbieux. En sa qualité de directeur de l’Observatoire international de la violence à l’école, ce chercheur est LE spécialiste français. Mercredi 3 mars, le ministre l’a officiellement chargé d’organiser le comité scientifique des Etats généraux de la sécurité lancés après l’agression de Vitry-sur-Seine. « Le débat sur la violence à l’école ne doit pas rester idéologique. Il faut aborder les choses sans tabou », précise ce prof à l’université de Bordeaux II.
Pas un peu radical pour un partisan d’une approche préventive ? « Pas plus que les fermetures pour grève ou exercice du droit de retrait, parfois perçues comme étant contre le quartier et les élèves, oppose Eric Debarbieux. Il y a un moment où on peut réfléchir concrètement à la nécessité de reprendre en main un établissement en le fermant quelques jours ».
Mais pas question de le vider. Au contraire. « Il faut faire le lien avec le quartier sinon cela serait perçu comme une mesure où l’école se ferme à son environnement », corrige-t-il. Amener habitants, parents, élèves à venir pour débattre dans l’école.
En Angleterre, cette mesure existe, même si elle est exceptionnelle. « Une chose est claire : les établissements français qui vont le plus mal seraient fermés un temps donné en Grande-Bretagne », martèle le chercheur. Le temps de régler les problèmes. L’Ofsted –agence indépendante– enverrait des spécialistes pour écouter profs, élèves, parents, personnels administratifs pendant plusieurs jours.
Pour la France, Eric Debarbieux émet un bémol : « Cela pourrait avoir des effets pervers importants à cause du tissu urbain fait de grands ensembles, contrairement à l’Angleterre ». Ainsi, des violences pourraient être provoquées dans le but de fermer les établissements. « Pour faire du deal, une bande doit organiser le désordre. Dans cette tactique, tout ce qui est service public est l’ennemi. »
Pour lutter contre la violence à l’école, le chercheur prône une politique de prévention au cas par cas, un usage en amont et intelligent des équipes mobiles de sécurité. « En réalité, le vrai débat concerne une meilleur répartition des moyens et postes pour les établissements les plus difficiles ». Soit revenir sur la politique de réduction des postes de la fonction publique. Violent.
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