Entre Nicolas Dupont-Aignan et le Front national, c’est un pas en avant, un pas en arrière. Ses dernières déclarations en faveur d’un gouvernement d’union nationale avec le Front national jettent le trouble sur la cohérence de sa stratégie politique.
Nicolas Dupont-Aignan finira-t-il par céder aux sirènes du Front national ? Invité le vendredi 10 mai sur France Info, le président de Debout la République a dressé les contours du gouvernement d’union nationale qu’il aimerait composer. Outre les noms attendus d’Henri Guaino, de Jean-Pierre Chevènement, d’Arnaud Montebourg ou bien encore de François Delapierre, il a également cité celui de Florian Philippot, vice-président du Front national.
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Ce n’est pas la première fois que Nicolas Dupont-Aignan fait des œillades au Front national. Invité à Radio Courtoisie, le lundi 3 septembre 2012, le président de Debout la République avait évoqué l’éventualité d’un rapprochement avec le Front national en déclarant qu’un « jour ou l’autre, il y aura besoin de dialogue [avec le Front national]. Chacun devra peut-être faire un pas. »
À l’époque, cette déclaration avait créé de gros remous à l’intérieur de son mouvement. Quelques jours plus tard, Dupont-Aignan avait donc redressé le tir en adoptant un discours beaucoup plus ferme à l’égard du Front national lors de l’université d’été de son parti, à Dourdan. « Je dis à Marine Le Pen,(…) coupez le cordon avec l’obsession identitaire qui déconsidère votre parti, faites vraiment le ménage, arrêtez de diviser les uns et les autres (…) et alors, nous pourrons commencer à dialoguer », avait-t-il alors lancé, devant plusieurs centaines de sympathisants.
Plusieurs rencontres avec Marine Le Pen
Dans son bureau au Carré à Nanterre, Marine Le Pen semble agacée lorsque le sujet Dupont-Aignan arrive sur la table. La présidente du Front national affirme l’avoir rencontré à plusieurs reprises ces trois dernières années lors de dîners ou de déjeuners sans que cela n’aboutisse à quelque chose. « Toutes ses rencontres n’ont servi à rien, regrette-t-elle. Il y a quelques mois encore, je l’ai croisé au Bourbon près de l’Assemblée nationale alors que je déjeunais avec Marion Maréchal-Le Pen et Gilbert Collard. Il me salue et nous envisageons de nous revoir prochainement. Avant de partir, je lui dis : ‘On se voit bientôt ? Je souhaite une réponse nette’. Il me répond ‘oui, oui’ mais la rencontre n’a finalement pas eu lieu. C’est la danse du ventre avec lui ».
Pour la présidente du Front national, Nicolas Dupont-Aignan manque de courage politique. Lors des législatives de 2012, Marine Le Pen dit l’avoir appelé pour lui proposer de ne pas mettre de candidat frontiste face à lui. Craignant les retombées médiatiques de cette décision, Nicolas Dupont-Aignan lui aurait alors répondu : « Si,si, surtout faites-le. Moi-même, je vais mettre un candidat contre vous à Hénin-Beaumont ».
Contacté, Nicolas Dupont-Aignan dément avoir rencontré Marine Le Pen. Tout juste, admet-il un dîner en 2012 auquel assistaient de nombreuses personnes dont la présidente du FN. « On a parlé de tout sauf de politique ce soir là. J’accepterai de la voir quand elle arrêtera d’instrumentaliser chacune des fois où l’on vient à se croiser », commente-t-il, laconique. Par contre, il admet bien volontiers avoir pris un verre à l’Hôtel Lutetia avec Florian Philippot, vice-président du parti, en juillet 2012. « Il est compatible avec ma ligne politique », se défend Dupont-Aignan.
Le souverainiste Paul-Marie Couteaux, administrateur du Rassemblement Bleu Marine, a souvent joué les intermédiaires « entre Marine et Nicolas ». Non sans regrets, il explique que les discussions n’ont jamais été très constructives :
« Nicolas Dupont-Aignan a peut-être tendance à surestimer son poids politique, il aimerait que le rassemblement se fasse autour de lui alors que Marine Le Pen pèse dix fois plus que lui électoralement aujourd’hui ».
Ambitieux, le président de Debout La République, affirme vouloir faire avec le FN « ce qu’a fait François Mitterrand avec les communistes ».
L’impasse
Au Front, les mauvaises langues affirment que les clins d’œil de Dupont-Aignan ne visent qu’à siphonner l’électorat de Marine Le Pen, pas à établir un dialogue avec elle. Le député de l’Essonne a d’ailleurs durci son discours sur l’immigration. « Avant, j’étais complexé vis-à-vis du FN donc je n’osais pas en parler, reconnaît Nicolas Dupont-Aignan. Désormais, je n’hésite plus à être ferme. Je tiens un discours intégrateur et assimilationniste mais sans les relents identitaires que l’on peut voir, parfois, au Front national ».
Marine Le Pen regrette la chevauchée solitaire du gaulliste.
« Il attend d’être à 15% pour discuter avec moi donc ça ne se fera pas avant 2062, sourit-elle. C’est dommage car on a beaucoup de points communs. Sur l’immigration, il pourrait être moins raide que moi par exemple. Le rassemblement ne signifie pas la fusion ».
L’historien Nicolas Lebourg, estime que le leader de Debout La République est aujourd’hui dos au mur. « C’est un vrai gaulliste mais il est piégé par la bipolarisation de la vie politique lors de l’élection présidentielle. S’il fait une alliance avec le FN, il est mort. S’il ne fait pas d’alliance, il est mort », analyse t-il.
La solution pourrait venir des élections européennes. Selon le site Atlantico, Nicolas Dupont-Aignan plancherait à une liste de droite souveraniste avec une dizaine de députés UMP dont Lionnel Luca, Philippe Meunier, ou bien encore Henri Guaino.
« Il y a un eurosepticisme qui s’est généralisé au sein de l’opinion publique et il existe sans doute un créneau entre la droite libérale et le Front national pour sortir de l’ornière lors des élections européennes », conclut Nicolas Lebourg.
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