Interpréter une chanson ou une réplique culte en playback et en selfie, en faire une vidéo de quelques secondes, et la partager sur les réseaux sociaux ou par SMS : c’est ce que propose Dubsmash, une application venue d’Allemagne, qui commence à cartonner en France. Mais jusqu’à quand ?
Le principe peut laisser a priori sceptique : se filmer en selfie et en playback en train d’interpréter un passage d’une chanson connue ou une réplique culte de dix secondes maximum, pour ensuite diffuser la vidéo sur les réseaux sociaux ou par SMS. Et pourtant on se laisse vite prendre au jeu. C’est ce que propose Dubsmash, une application venue d’Allemagne, sortie il y a une semaine sur Android et il y a un mois sur iPhone.
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Effet boule de neige
En moins d’une semaine, la version Android a été téléchargée plus d’un million de fois, et en France depuis 48 heures ces courtes vidéos font fureur. Ce succès fulgurant peut s’expliquer facilement. Gratuite, facile à utiliser et franchement drôle, l’application a de quoi séduire les jeunes qui ont grandi avec les réseaux sociaux. Plus créative que Vine, moins irrévérencieuse que Snapshat, plus élaborée que Yo, elle a ringardisé en un rien de temps des applications cultes. Autre facteur explicatif : la viralité de ces vidéos. « En une journée, la moitié de ma classe l’a téléchargée », rapporte Manon, une utilisatrice interrogée par 20 Minutes. Leur envoi en message privé (via Whatsapp ou par SMS) peut rapidement convaincre les non-utilisateurs de télécharger l’application pour répliquer par une de leurs propres créations. Mais Dubsmash ne risque-t-elle pas de s’essouffler rapidement, comme l’application Yo, qui avait conquis des dizaines de milliers d’utilisateurs éphémères en juin dernier ?
Le syndrome « Yo » ?
Certaines fonctions pourraient lui garantir une certaine longévité. D’abord, l’application répertorie des centaines de sons classés dans différentes catégories (« le monde de Tolkien », « Vannes », « Gueule de bois », « Rap français », « Politique », « Drague », « Perles du bac »…) dans lesquelles tout le monde peut se reconnaître. Il y aura forcément un son qui fera partie de vos références. De plus, chaque utilisateur peut contribuer à enrichir cette base de sons, en enregistrement lui-même ses propres séquences. Les catégories varient donc en fonction du temps, et les sons les plus en vogue remontent dans les « tendances », comme sur Twitter. Et si les répliques et chansons en français ne vous suffisent pas, vous pouvez élargir votre catalogue aux sons disponibles en anglais, et en d’autres langues. Pour toutes ces raisons, Dubsmash pourrait s’assurer une postérité sans comparaison avec la très minimaliste Yo.
Les célébrités s’y mettent
Elle bénéficie aussi d’ambassadeurs et d’ambassadrices connus, qui participent à l’engouement général. Par exemple, Adele Exarchopoulos et son petit ami Jérémie Laheurte se sont illustrés dans une scène tirée de Full Metal Jacket de Stanley Kubrick :
De même que la chanteuse Shy’m, qui a publié sur son compte Instagram cette vidéo reprenant une réplique fameuse d’Astérix mission Cléopâtre :
L’obstacle des droits d’auteur
Seul bémol : les droits d’auteur. Les artistes et propriétaires des films et autres chansons dont sont tirées les citations pourraient en effet sonner la fin de la récréation 2.0. Selon l’avocat à la Cour Antoine Gitton, spécialisé dans le droit d’auteur, interrogé par Les Inrocks : « Il est prévu par la loi que l’autorisation de l’artiste est requise avant toute utilisation de son interprétation. Avec Dubsmash on reprend une interprétation d’un artiste pour l’utiliser dans un contexte où c’est l’image de l’utilisateur de l’application qui apparaît. Il s’agit donc d’une utilisation sans autorisation de l’artiste ».
Les trois fondateurs allemands de l’application s’abritent derrière l’exception de courte citation. Mais elle ne s’applique pas dans ce cas, selon Me Gitton:
« La courte citation n’est justifiée que pour autant qu’elle soit justifiée par une œuvre conséquente, une réalisation. Vous écrivez un livre, vous composez un morceau de musique, vous aurez la possibilité de bénéficier de l’exception de courte citation parce que la réalisation que vous faite justifie cette citation. Pour une utilisation strictement amusante, ludique, ou qui n’a pas pour but de créer quelque chose, vous n’avez pas le droit à cette courte citation« .
De plus, selon le droit européen, les exceptions de citation ne peuvent causer un préjudice injustifié à l’auteur. On ne peut donc pas engranger des profits. Or « il est certain qu’il y a un avantage économique pour les producteurs de l’application », remarque le spécialiste. Il se pourrait donc qu’en dépit de l’engouement – durable ou pas – que Dubsmash suscite, ces vidéos soient retirées des réseaux, et l’application confrontée à de sérieux obstacles. En attendant, des compilations hilarantes voient déjà le jour sur YouTube, et Dubsmash mérite sans doute in extremis le titre d’appli de l’année.
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