Depuis quelques années, les campagnes électorales ne sont plus cantonnées à la seule réalité, mais explorent d’autres terrains. Petit tour d’horizon des incursions et autres communications des politiques dans le monde vidéoludique.
Mettre les joueurs dans la peau d’un Jean-Luc Mélenchon désireux de rendre l’argent à la France en affrontant les oligarques. C’était le pari, entamé il y plus de deux semaines avec la sortie d’un des jeux vidéo officiels de la France Insoumise, Fiscal Kombat. Développé par le Discord insoumis, ce jeu politique s’inscrit comme une suite logique de la stratégie numérique déployée par les partisans de Jean-Luc Mélenchon depuis le début de sa campagne. Si le jeu se veut « amusant » avant tout, il reste tout de même orienté et vecteur d’un message politique.
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S’il est aujourd’hui le candidat le plus sensible au domaine du jeu vidéo, Mélenchon n’est pourtant pas un précurseur en la matière. Le jeu vidéo et la politique ont déjà fait bon ménage en France comme ailleurs. Diabolisé par certains, mais aussi loué par d’autres, le jeu vidéo bénéficie aujourd’hui d’un intérêt grandissant de la part de la classe politique. Des projets de loi, une présence dans les programmes, et des visites de courtoisie dans des salons comme la Paris Games Week prouvent l’attrait de ce média pour la classe politique qui n’hésite pas à l’utiliser comme support de communication.
Issus de la branche des jeux dit « serious games », ces jeux politiques se distinguent non pas par une volonté d’instruire le joueur, mais de lui transmettre via le prisme du ludique, un message engagé et un contenu militant. Depuis les précurseurs que furent September 12th ou les jeux de la Molle industria, le genre s’est depuis développé et englobe aujourd’hui autant les productions issues des partis eux-mêmes, que des indépendants.
Pac-man frontiste et Sarko dansant
Dès les années 90, c’est le FN qui utilise pour la première fois en France le jeu vidéo comme un outil de communication avec une version revisitée de l’emblématique Pacman, comme le racontent Dominique Albertini et David Doucet dans « La Fachosphère. Comment l’extrême droite remporte la bataille d’Internet« (édition Flammarion). Dans ce jeu, Pac-man est remplacé en grande pompe par un Jean Marie Le Pen, chargé de collecter les flammes tricolores tout en échappant à ses adversaires de l’époque. Durant la présidentielle de 2007, le FN fut toujours le premier à investir les terres virtuelles du jeu en ligne Second Life dès décembre 2006 afin de battre la campagne sur ce nouveau terrain, occupé par des milliers de joueurs. Cette initiative sera bientôt suivie par l’implantation de QG du PS, de l’UMP et de l’UDF. D’autres projets à l’image de Fiscal Kombat furent tentés tout en gardant une certaine légèreté à l’image de Disco Sarko, créée en 2007 par les jeunes sarkozystes.
Bien entendu, s’il existe des jeux développés avec l’aval des candidats et bienveillants à leur égard, l’inverse est tout aussi vrai. On ne compte plus aujourd’hui les nombreux jeux dits « flash », développé souvent en quelques heures et qui n’hésite pas à rebondir sur les frasques et les affaires des différents hommes politiques. Récemment, certains jeux ont néanmoins prouvé l’intérêt d’utiliser le média jeu vidéo comme outil de « politique fiction ». Sorti en décembre dernier, le jeu d’aventure textuel de Celestory, En marche vers l’Elysée (aujourd’hui retiré des stores) proposait d’incarner un Emmanuel Macron cynique en pleine campagne et d’interagir avec son entourage via son smartphone. Plus récemment et en partenariat avec Radio Nova, David Dufresne à qui l’on doit déjà quelques expériences à mi-chemin entre le documentaire et le jeu comme le webdocumentaire Fort McMoney, nous propose un nouveau concept avec L’infiltré. Ce jeu mobile toujours sous forme d’aventure textuelle plonge alors le joueur dans la peau d’un agent de la DGSI en charge d’infiltrer le FN.
En plein développement, ces jeux politisés furent d’ailleurs l’objet en France d’une première « Game jam » organisé par Mediapart et le collectif La Belle , qui a permis de faire éclore en 2 jours , huit jeux développés sur le thème de l’élection présidentielle.
Make Pokémon Go great again
Cette tendance n’est bien sûr pas une exclusivité française et se retrouve à l’international. Si quelques initiatives, à l’image du jeu à la gloire du candidat Poutine en 2011 ou d’une production du parti uruguayen Front large en 2004, sont à noter, le cas le plus intéressant reste celui des États-Unis.
Le précurseur fut sans conteste Howard Dean alors candidat à la primaire démocrate de 2004, qui lancera en décembre 2003 un jeu flash intitulé The Howard Dean for Iowa Game qui propose aux joueurs d’incarner un militant en quête de soutiens. Même si ce jeu ne lui a finalement pas porté chance pour la suite de sa candidature, l’héritage de Dean persistera pour la campagne de 2008, lorsqu’il devient une des têtes pensantes de la campagne internet de Barack Obama, qui fut on le sait, une des clés de sa victoire. Ce dernier fut d’ailleurs le premier homme politique a acheté des espaces publicitaires dans pas moins de neuf jeux de l’éditeur Electronic Arts (dont Burnout Paradise, Madden 09), touchant ainsi directement des milliers de joueurs.
La récente campagne de 2016 n’est pas en reste et se jouait elle aussi sur le terrain du jeu vidéo. Alors en pleine vague Pokémon Go, l’équipe de campagne de la candidate Clinton n’hésite pas à attirer les dresseurs électeurs dans ses locaux. Du côté républicain, si Donald Trump avait confié ne pas avoir le temps de s’y consacrer. Il se servira tout de même du jeu mobile de Niantic pour se moquer encore une fois de son adversaire, transformé via une vidéo en un Pokémon « Crooked Hillary ».
https://www.youtube.com/watch?v=UrSGuxJL8Pw
Le candidat républicain aujourd’hui élu fut d’ailleurs la muse de plusieurs dizaines de jeux, le mettant en scène la plupart du temps sous un mauvais jour. Pourtant, vous connaissez la suite.
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