Alors que Born Bad Records fête ses dix ans et lui consacre pour l’occasion une monographie intitulée « Complete Works », nous sommes partis à la rencontre d’Elzo Durt, qui présente en ce moment Colors & Glory, une exposition explosive à la Galerie du jour à Paris.
Avec plus d’une centaine d’expos à son actif, des dizaines de projets et de pochettes d’album, Elzo Durt est un des illustrateurs les plus productifs et reconnaissables de l’époque. Après une bonne décennie passée à imposer un style lourd et abrasif fait de collages creepy, psyché, et ultra percutants au sein des scènes punk et techno bruxelloises, il a, en quelques années, colonisé l’imaginaire des rockeurs français en devenant l’illustrateur phare de l’écurie Born Bad Records et en créant son propre label, Teenage Menopause.
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Des flyers aux affiches 4 par 3, des squats aux galeries d’art, ses oeuvres se sont peu à peu agrandies, perfectionnées et surtout ouvertes à différents publics. Variant les expériences, il a collaboré avec des marques (Carhartt, Redbull studio Paris…) et avec la presse à grand tirage (Le Monde, Libé…) en conservant pourtant toujours la même veine : terriblement punk et DIY.
Aujourd’hui, alors que Born Bad fête ses dix ans et publie pour l’occasion « Complete Works », la première monographie d’Elzo Durt regroupant 13 ans de créations, le plus barré des illustrateurs Belges débarque à Paris pour présenter Colors & Glory à la Galerie du jour agnès b.. Une exposition personnelle ambitieuse et rentre-dedans, au sein de laquelle il présente 15 de ses pièces les plus iconiques, d’autres plus confidentielles, et quelques inédits élaborés spécialement pour l’expo. Une occasion parfaite pour aller à sa rencontre et discuter de son parcours, de son amour de la fête ou de sa manière de bosser.
Tu as toujours été ultra productif, si bien que ces dernières années, on pouvait difficilement passer à côté de tes illustrations. Dès le début, t’avais pour idée d’envahir les scènes dont tu étais proche ?
En sortant d’école de graphisme en 2003, le système belge faisait que j’avais de quoi survivre sans travailler. Je pouvais donc me concentrer sur ce qui me plaisait vraiment. A l’époque, j’organisais plein de concerts et de soirées punk et techno. Très vite, j’ai commencé à être dans tous les coups, dans toutes les fêtes et je me suis retrouvé à faire des flyers pour tout Bruxelles. Mais mon ambition n’a jamais été d’envahir quoi que ce soit. Je suis un peu un maniaque du boulot, en même temps que je suis un maniaque de la fête (rires). Finir un projet, aboutir à quelque chose, ça me motive et me rend heureux. Si bien que j’ai tout le temps envie de produire… Mais je n’ai jamais voulu que mon travail soit enfermé dans une niche. C’est pour ça que si j’ai évidemment des liens très forts avec Born Bad, avec qui je suis super fier de travailler, cela me plaît aussi de réaliser des projets dans des univers différents. Comme la pochette que j’ai réalisé récemment pour Da Silva qui fait de la chanson française, ou comme les projets que je fais pour la presse… Se retrouver tout d’un coup dans Le Monde et toucher un nombre de gens incroyable c’est dingue, et je pense que c’est ce que je cherche. C’est aussi ce que j’essaye de faire aujourd’hui avec une expo aussi impressionnante, avec des projets plus ambitieux, plus imposants, mieux organisés aussi…
Tu évoquais Born Bad, et c’est vrai que les gens qui connaissent ton travail l’associent directement au label. Comment ça a commencé cette collaboration avec JB ?
On s’est rencontré il y a des années alors qu’il venait faire un concert à Bruxelles chez un gars pour qui je faisais des flyers régulièrement. Il m’a proposé un premier projet et très vite on s’est bien entendu à tous niveaux. Il aime beaucoup mon boulot, j’aime beaucoup le sien aussi donc c’est une relation assez logique. On a la même idée de ne jamais lâcher le morceau, d’aller au bout des choses. JB a un très bon oeil, il me permet d’avoir du recul sur mes oeuvres, il me pousse à aller plus loin dans les détails… De plus en plus, il a aussi tendance à me pousser vers des mondes qui ne me correspondent pas vraiment. El BLASZCZYK, Groupe Doueh & Cheveu, ce sont pas du tout mes univers par exemple, mais on a réussi à assembler tous les éléments voulus et à faire quelque chose qui nous plaît vraiment énormément. Et puis les pochettes de disque en général, ça me tient particulièrement à coeur. Un album sera pour toujours lié à sa pochette, donc ça me plait énormément de bosser avec Born Bad.
Tu peux nous dire quelques mots sur la manière dont tu travailles ?
Avant d’être graphiste et illustrateur, je suis un gros passionné d’illustration et d’art brut. Je chine tout le temps, ce qui représente une bonne partie de mon travail. On a la chance d’avoir de super librairies de seconde main à Bruxelles, où j’achète au moins huit livres par semaine. Beaucoup de vieilles gravures, d’images d’anatomie, de bouquins religieux bien sûr, mais aussi des bouquins de meubles par exemple, et puis en ce moment beaucoup de BD… Ensuite, le tout c’est de trouver le trait que je vais pouvoir assembler avec le trait d’un autre. Je travaille avec une base et ensuite je compile, je coupe, je colle, etc.. C’est quelque chose de très surréaliste au fond. Assembler des éléments totalement disparates dont l’assemblage est improbable, coloriser et essayer de construire une narration. Car même à travers un portrait, j’essaye toujours de raconter plein de choses. Au fond, je construis mes illustrations un peu de la même manière dont j’ai monté cette expo : je n’ai pas envie que ce soit juste beau. Je cherche toujours à mettre une grosse baffe dans la gueule aux spectateurs, avec des oeuvres imposantes, chargées et puissantes, tout en les incitant à rentrer dans le détail d’oeuvres dans lesquelles se trame souvent une histoire.
Elzo Durt, Complete Works, le livre
Colors & Glory, jusqu’au 10 juin à la Galerie du jour, 44 rue Quincampoix, 75004, Paris
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