L’ancien espoir de la gauche pour 2012 a parlé dimanche soir sur TF1. Première expression publique depuis son arrestation à New York, le 14 mai.
Un exercice de communication millimétré. Pour sa première – et unique ? – grande séance d’explication devant les Français, Dominique Strauss-Kahn avait choisi le 20h dominical de Claire Chazal, sur TF1. L’ancien chouchou des sondages a dû bosser dur avec ses communicants d’Euro RSCG et ses avocats new yorkais. Avec un modèle : Bill Clinton après l’affaire Monica Lewinsky. Tant pis pour ceux qui attendaient du spontané. L’émotion n’était pas absente toutefois, même dans un numéro d’acteur un peu surjoué. L’homme maîtrise son phrasé et ses explications.
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En plateau dès le début du journal, DSK impeccable apparaît, visage triste, costume de deuil. Claire Chazal est en noir aussi. Pourtant le JT s’ouvre sur une bonne nouvelle, deux fillettes disparues samedi soir dans la Sarthe ont été retrouvées. Cela se gâte après avec les images d’Anders Brevik, le fou furieux de Norvège. On doit encore se fader un sujet sur l’agriculture en Bretagne, un autre sur les associations humanitaires, et un petit Bayrou… En voilà un au moins qui doit être heureux qu’autant de Français le regardent !
Et voilà Dominique Strauss-Kahn dans la fosse aux lions, avec ce banc titre d’un goût moyen derrière lui : « 2806 », chiffre de la suite du Sofitel où l’ancien patron du FMI reconnaît avoir eu « une relation inappropriée » mais sans violence avec la femme de chambre Nafissatou Diallo.
« C’est plus que cela, dit-il, c’est une faute vis-à-vis de ma femme, de mes enfants, de mes amis français qui avaient placé en moi leur espérance de changement, j’ai manqué mon rendez-vous avec les Français. (…) Plus qu’une faiblesse, c’est une faute morale, je n’en suis pas fier, je la regrette infiniment, je l’ai regrettée tous ces jours au long de ces quatre mois et je n’ai pas fini de la regretter. »
Ménageant ses effets, de longs moments de silence, les yeux fermés, parfois au bord des larmes, DSK qui dit avoir « toujours clamé son innocence » avoue avoir eu « peur, très peur » quand il a été arrêté à New York, « pris dans une sorte de mâchoire, de machine, avec l’impression qu’elle peut vous broyer, le sentiment d’être piétiné, humilié, avant même d’avoir pu dire un mot ». Anne Sinclair n’est pas oubliée : « C’est une chance folle de l’avoir à mes côtés, je lui ai fait du mal, je le sais, je m’en veux. »
DSK se défend aussi du « portrait » qui a été fait de lui, celui d’un séducteur au bord du harcèlement. « Toute ma vie était présentée comme si, parce que j’ai eu du pouvoir, mes relations avec les autres hommes et femmes devaient passer par cette relation de pouvoir, c’est tout le contraire de moi ! »
« J’ai du respect pour les femmes, je comprends cette réaction, je l’ai payé lourdement je le paye toujours, j’ai beaucoup perdu dans cette histoire, depuis quatre mois j’ai vu la douleur que j’ai créée autour de moi et j’ai réfléchi, et cette légèreté je l’ai perdue pour toujours. »
Mais, même dans son interview confession, DSK reste un animal politique. Il redevient offensif quand Claire Chazal évoque l’affaire Tristane Banon, rappelant qu’il a déposé plainte pour « dénonciation calomnieuse » contre la jeune femme qui l’accuse de l’avoir agressée sexuellement en 2003. Ou quand il tape sur l’Express qu’il décrit comme « un tabloïd » parce que l’hebdomadaire a publié le rapport médical de Nafissatou Diallo. Lui brandit sur le plateau le rapport du procureur Cyrus Vance concluant à l’abandon des charges contre lui, comme un viatique pour son innocence.
Puis vient le temps des questions purement politiques. Avec cette réponse :
« Je voulais être candidat [à la présidentielle]. Je pensais que ma position au FMI me donnait un regard aigu sur la situation française, je voulais être utile, apporter des réponses, tout cela est derrière moi, je ne suis évidemment pas candidat, même si je continue de penser que la victoire de la gauche est nécessaire. »
La primaire ? Il souhaite bien sûr son succès mais ne veut pas « s’immiscer ». Mais DSK fait un drôle de cadeau à Martine Aubry, son alliée du pacte de Marrakech. « Nous avions en effet un pacte, Martine Aubry est une amie, pendant toute cette période, elle a été très présente et j’ai été très sensible a cette présence mais je ne veux pas m’immiscer dans la primaire. » Pas sûr que le rappel d’une candidature par défaut de la maire de Lille soit un appui dans la compétition, déjà dominée dans les sondages par François Hollande… Et pourtant, il prend soin de ne citer que la maire de Lille et de lui rappeler son amitié. Cest sûr que les aubrystes vont y voir un soutien, même tacite, et que les Hollandais vont se satisfaire du rappel du pacte qui liait Martine Aubry et DSK…
DSK reprend des couleurs et s’anime enfin pour parler crise et dette. « Je ne suis candidat à rien, je veux d’abord me reposer, retrouver les miens, prendre le temps de réfléchir, mais toute ma vie a été consacrée à essayer d’être utile au bien public… et on verra », lance-t-il en conclusion. Comme pour ne se fermer aucune porte.
Hélène Fontanaud et Marion Mourgue
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