A l’occasion du triste anniversaire de l’effondrement des deux immeubles de la rue d’Aubagne à Marseille, le Collectif du 5 novembre revient sur le travail mené cette année.
Il y a tout juste un an, deux immeubles s’effondraient en plein centre-ville de Marseille, rue d’Aubagne, emportant avec eux huit personnes. Dans la foulée, les habitants du quartier de Noailles se sont fédérés au sein d’un collectif : le collectif du 5 novembre.
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Pendant un an, près de 80 bénévoles actifs ont su apporter des solutions matérielles ainsi qu’un soutien psychologique aux personnes délogées. Pour les Inrocks, Bernard Eynaud, membre du Collectif du 5 novembre et de la Ligue des droits de l’Homme, a accepté de revenir sur ce triste anniversaire.
Un an après le drame et près de 4000 personnes délogées plus tard, des solutions d’urgence ont été trouvées par la ville (appart-hotel), mais quelles solutions de relogement pérennes ont été proposées depuis ?
Bernard Eynaud - En effet, ce sont 3700 personnes qui ont été délogées depuis un an. Aujourd’hui, 1700 d’entre elles sont relogées provisoirement, en attente d’une réintégration dans leur logement d’origine ou dans un logement définitif. On compte également 63 ménages qui ont pu accéder à un logement définitif.
Ce qu’il faut noter, c’est que la crise n’est pas passée. On sait qu’il y a encore à peu près 40 000 logements considérés comme insalubres sur Marseille. Il y a une nécessité d’avoir des éléments de réponse de la part de la puissance publique sur le devenir des personnes délogées et celles qui continuent à être évacuées.
Rue d'Aubagne, 5 novembre, 9h05, long recueillement. Noailles n'oublie pas, Noailles ne pardonne pas, tandis que sonne le glas de l'église de la rue de la Palud #Marseille pic.twitter.com/AOla2S4IqX
— David Coquille (@DavidLaMars) November 5, 2019
Sur quels axes d’interventions a agi le collectif du 5 novembre, créé dans la foulée de l’effondrement des immeubles ?
Dans un premier temps, il a fallu organiser la solidarité immédiate. Nous avons essayé d’établir des relations d’aide entre les personnes, avec l’appui notamment de beaucoup d’avocats et de psychologues, venus bénévolement. Ce sont des actions que nous continuons à mener durant notre permanence hebdomadaire. C’est l’occasion pour nous d’expliquer leurs droits aux personnes délogées.
A chaque fois qu’il y a une nouvelle évacuation, le collectif se mobilise pour faire ce travail d’explication et s’assurer que la puissance publique mette très rapidement les moyens nécessaires pour le respect de ces droits. Nous continuons d’insister sur la nécessité d’avoir des réponses institutionnelles pour permettre à ces personnes de vivre dignement ou de pouvoir réintégrer leur logement dans les mêmes conditions. Nous avons choisi d’agir sur différents niveaux : aide et accompagnement mais aussi mobilisation citoyenne pour peser sur les choix à venir de cette ville.
En cette semaine de commémoration, nous rappelons qu’il n’y a « ni oubli ni pardon » [slogan de la marche du 5 novembre 2019 en hommage aux victimes des effondrements, ndlr].
Depuis le 5 novembre dernier, vous êtes également parvenu à établir une “charte du relogement”, cosignée avec la ville de Marseille et l’Etat.
Nous nous sommes très vite mis au travail avec d’autres associations comme la fondation Abbé Pierre ou Un centre-ville pour tous. Nous avons mené des négociations quasiment hebdomadaires avec la ville et la préfecture, faites d’allers-retours et de tensions. Il a fallu batailler jusqu’au jour de la signature pour faire en sorte que le document prenne en compte tous les aspects du droit commun et “au-delà”.
Par “au-delà”, j’entends non seulement le droit des personnes évacuées mais également la question des arrêtés de péril. Nous souhaitions vraiment faire comprendre que ce n’était pas seulement le quartier de Noailles qui était impacté. Depuis le 5 novembre, il y a eu 450 arrêtés de péril dans beaucoup de quartiers marseillais, essentiellement des quartiers populaires.
Finalement, le 7 juillet, le conseil municipal marseillais a voté unanimement cette charte.
Sur les 240 millions d’euros promis par l’Etat et versés sur les 10 prochaines années, le ministre chargé du logement, Julien Denormandie, s’est engagé à en verser 17 millions avant la fin de l’année. Comment réagissez-vous ?
Cela va dans le bon sens. Ce que dit surtout M. Denormandie, c’est qu’il faut reconstruire Marseille. Ce que nous rajoutons, nous collectif du 5 novembre, c’est qu’il faut reconstruire la ville pour les Marseillais et avec les Marseillais. Nous souhaitons être entendus et pouvoir donner notre point de vue. S’il doit y avoir un renouveau dans cette ville, il doit se penser et se faire avec les premiers concernés.
Il faut également poser la question du projet politique que nous souhaitons pour la ville. Soit nous désirons un centre-ville débarrassé des populations les plus précaires, une sorte de vitrine dédiée aux touristes, soit au contraire, on fait en sorte qu’il y ait dans tous les quartiers de Marseille une offre de logement social. C’est la seule réponse possible pour en finir avec l’habitat indigne et les marchands de sommeil.
>> A lire aussi : Immeubles délabrés : la mairie de Marseille avait les moyens de financer les réparations, elle n’a rien fait
Sous l’impulsion du collectif 5 novembre et d’autres associations, une marche est prévue, le samedi 9 novembre. Que symbolise-t-elle ?
Je pense que cette marche est révélatrice du travail accompli cette année. Depuis longtemps dans cette ville, des citoyens agissent et se mobilisent mais souvent sans écho. Cette fois, tout le monde s’est saisi de ces batailles : les transports, les punaises de lit, les bibliothèques, les piscines. Il y a un point commun : nous revendiquons le droit à la ville.
Notre deuil est un partage, notre colère est citoyenne et politique, notre dignité sans appel. Merci à tous les habitants présents ce matin, physiquement ou en pensée. Bravo pour cette solidarité incroyable depuis un an. Pour nos voisins, ni oubli ni pardon. #unanaprès #5novembre
— Collectif-du-5-novembre (@Collectif5Nov) November 5, 2019
A quelques mois des municipales, qu’attendez-vous des candidats, successeurs de Jean-Claude Gaudin, concernant l’urgence du mal-logement à Marseille ?
Le collectif en tant que tel ne prendra pas part aux élections, il n’y aura pas de consigne de vote. Par ailleurs, nous allons adresser un message à tous les élus, peu importe leur bord politique, pour leur dire qu’il faut reconstruire Marseille. C’est une ville populaire et il faut tenir compte de sa dimension sociale qui est profondément inégalitaire.
Il faut du logement mais il faut surtout de la démocratie. Nous devons faire en sorte que les élus s’appuient sur tout ce mouvement, toute cette dynamique riche et foisonnante constituée par des citoyens parfois isolés puis des associations et des collectifs.
C’est fondamental si on ne veut pas reproduire les mêmes erreurs. Si la ville avait écouté les experts, il n’y aurait pas eu de drame, le 5 novembre 2018.
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