Comment vivre après les camps d’extermination ? Des survivants témoignent dans le film de Virginie Linhart. Ce soir sur France 2.
Auteure de nombreux documentaires et d’un livre remarqué sur son père, le militant ouvriériste Robert Linhart (Le jour où mon père s’est tu, Seuil), Virginie Linhart s’attelle ici à un sujet passionnant et très peu traité : comment les survivants des camps d’extermination ont-ils vécu leur libération, leur retour, et comment ont-ils reconstruit leur vie ?
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Si la réalisatrice s’appuie sur une forme classique, éprouvée, voire formatée du documentaire (montage d’entretiens au présent et d’images d’archives), elle n’en extrait pas moins des pépites d’émotion, des trésors de leçons d’histoire et de vie, de beaux moments de cinéma.
Les survivants sont, à maints égards, tous différents. Ils sont hommes et femmes. Célèbres (Simone Veil, Marceline Loridan- Ivens…) ou pas. S’exprimant avec l’accent yiddish du shtetl ou dans un français châtié, en passant par la gouaille rocailleuse de Ménilmontant. Si la plupart ont gardé l’altérité de leurs patronymes “étrangers”, certains l’ont francisé ou ont épousé un Français de chez Français.
Il y a ceux qui se sont reconstruits dans le communisme, ceux qui ont opté pour le sionisme, ceux qui ont posé les fondations de l’antiracisme en fondant le Mrap ou qui ont fait une carrière politique à droite. Et si certains sont devenus ministres ou chef d’entreprise, d’autres sont devenus chercheurs, médecins, femme d’intérieur ou même petit trafiquant ! Tous ont vécu différemment leur traumatisante expérience commune.
Pour repartir, les uns se sont jetés à fond dans la vie et les distractions, d’autres sont passés par l’alcoolisme, d’autres par la dépression, et certains furent définitivement et intérieurement brisés. Chez les femmes, il y a eu chez certaines un impérieux désir d’enfant, chez les autres un refus obstiné d’être enceinte.
Et entre ceux qui sont devenus plus juifs que juifs, ceux qui, au contraire, ont voulu minorer voire effacer leurs racines juives, chacun a été amené à s’interroger sur la question de l’identité. Ce film confirme ce que l’on savait : pas un seul Juif ne ressemble à un autre, et cet enseignement universel vaut bien évidemment pour toute communauté que l’on voudrait réduire à quelques traits communs grossiers.
Pour autant, ce docu montre aussi ce qu’il y a de commun chez les revenants. Le chagrin devant l’accueil de la France, acclamant les résistants mais indifférente aux déportés juifs. Les proches et amis qui ne veulent pas écouter leurs récits. Les longues années avant que la conscience, nationale puis universelle, de ce que fut la Shoah ne prenne forme.
Ce qui rassemble aussi toutes ces personnes, par-delà leurs différences de personnalité ou de choix de vie, c’est leur courage, leur intelligence de ce qu’elles incarnent et symbolisent, leur absence de propos revanchards, leur dignité absolue. Virginie Linhart a su rendre justice à des héros du XXe siècle qui face au pire du genre humain ont su opposer le meilleur.
Photo : Après-guerre, dans un centre qui accueillait de jeunes juifs rescapés
Après les camps, la vie Documentaire de Virginie Linhart. Jeudi 22 > 22 h 50 > France 2
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