Presseurop est un site internet d’information sur l’Union européenne qui appartient à un consortium de quatre médias piloté par Courier international. Il a cessé toute activité hier, dimanche 22 décembre, après cinq ans d’existence. Le titre est victime d’une réduction du budget communication de la Commission européenne et peut être de sa trop grande indépendance, nous explique Gian Paolo Accardo, rédacteur en chef adjoint à Presseurop.
Pouvez-vous nous expliquer la fin d’activité de votre site hier, dimanche 22 décembre ?
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Le financement européen qui assurait le maintien en vie du site était basé sur un contrat. Ce contrat nous donnait, depuis cinq ans, une subvention de trois millions d’euros par an. Ce contrat était renouvelable quatre fois et il l’a été. La Commission pouvait le prolonger une nouvelle fois cette année, elle a choisi de ne pas le faire. Nous avons donc interrompu la mise à jour du site hier, date où notre subvention s’arrêtait.
Vous appartenez à « Courrier international ». Quel était exactement le mode de fonctionnement de Presseurop ?
La plupart des journalistes étaient salariés de Courrier international. Nous étions neuf journalistes détachés de Courrier sur les quinze membres que comptait l’équipe. Les autres étaient rattachés à quatre autres titres : un en Italie (Internazionale), un en Pologne (Forum), une journaliste à Lisbonne (Courrier Internacional) et un journaliste indépendant à Madrid. Le tout était regroupé dans un consortium appelé « Groupement d’intérêt économique ».
Vous ne disposiez d’aucune autre source de revenus ?
Non, pas de publicités et pas de contenus payants. Envisager de la publicité sur dix marchés différents, un par langue, ça veut dire qu’il faudrait des accords avec autant de régies publicitaires. Cela nous coûterait plus cher que ce que cela pourrait rapporter. Quant au contenu payant, nous n’allions pas faire payer quelque chose qui fonctionne avec de la subvention publique. On réfléchit néanmoins aujourd’hui à comment poursuivre l’expérience par une éventuelle suscription des lecteurs, du crowdfunding ou encore en sollicitant des fondations. Il faut bien comprendre que Presseurop est très coûteux car, en plus d’acheter les droits des articles reproduits (de 0 à 600 euros), il faut également payer les traductions. A la fin, un article nous coûte entre 1000 et 2000 euros…
Pourquoi, selon vous, la Commission a-t-elle décidé de ne pas pas renouveler son appui financier ?
En 2014, les fonds du secteur communication de la Communication ont baissé. Son budget d’environ 30 millions d’euros en 2013 est passé à 26 millions en 2014.
Cette réduction touche donc quasi uniquement le montant de votre subvention ?
Si vous faites le calcul oui. Ils auraient pu décider d’allouer le budget différemment, en nous donnant un budget moindre par exemple. Mais cela n’a pas été le cas. La presse spécialisé a également reproché à la Commission de ne plus vouloir maintenir un titre trop indépendant par rapport à ses exigences.
En quoi étiez vous susceptible de déranger Bruxelles ?
Nous sommes reconnus par les lecteurs et les journalistes qui nous suivaient pour notre indépendance dans le choix des articles traduits. Ils étaient critiques, parfois aussi élogieux. Cela pouvait être considéré comme gênant par rapport à la Commission et à l’argent qu’elle investit chez nous chaque année. En juin dernier, la Commission avait lancé un appel d’offre pour financer un site qui aurait pu ressembler à Presseurop. On avait d’ailleurs l’intention d’y participer. Mais cet appel d’offre a été retiré quelques semaines plus tard à la suite d’articles s’interrogeant sur le contenu du cahier des charges. On pouvait penser, à juste titre, que le site recherché aurait une indépendance fragilisée, notamment de par son obligation de suivre l’agenda politique de la Commission.
Vous a-t-on déjà signifié que vous dérangiez ?
Ils n’ont jamais appelé directement mais on a eu des échos informels. Cependant, nous avons aussi eu des critiques de lecteurs allemands car ils trouvaient qu’il y avait beaucoup d’articles contre l’action du gouvernement allemand.
Vous aviez lancé une pétition et un hastag (#SavePE) sur Twitter. Où en êtes-vous de vos soutiens ?
La pétition doit dépasser les 15 000 signatures. A l’origine, l’idée était de pousser la Commission à changer d’avis. L’idée est aussi de visualiser quelle pouvait être notre popularité sur le web. Chose que nous ne savions pas auparavant. Quel était, en terme quantitatif, l’intérêt de ce projet ? On a eu aussi un déferlement de soutiens des lecteurs, ce qui nous donne une meilleure idée de la valeur de l’actif Presseurop : 600 000 lecteurs uniques par mois, 50 000 followers sur Twitter toutes langues confondues, et à peu près autant sur Facebook.
Qu’en dit « Courrier international » ?
La rédaction a toujours été dans les murs de la rédaction de Courrier international. Le plan social de Courrier porte sur 25 personnes en tout (pas uniquement des journalistes), dont effectivement l’ensemble des journalistes et autre personnel affecté à Presseurop. Ce qui est sûr, c’est que Courrier n’a pas l’intention de poursuivre l’expérience. On est dans un cadre un peu bâtard, on attend le licenciement avant d’essayer de réactiver Presseurop. La mise à jour du site ne sera possible que quand Courrier se sera désengagé du consortium. Nous sommes en train d’élaborer un plan sur l’hypothèse d’un « Presseurop 2 » avec des coûts moindre. Un site qui puisse offrir, si ce n’est autant de langues, autant de contenus.
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