Le spectacle « Le Mur » a d’abord été autorisé par le Tribunal administratif de Nantes, puis interdit par le Conseil d’Etat. Reportage devant le Zénith, à Saint-Herblain, où devait se produire Dieudonné.
Le poste radio est bloqué sur France Info depuis qu’ils sont partis de Niort, à 140 kilomètres de Nantes. Zoé, Claude et Maxime, tous étudiants en philosophie suivent depuis le début de la journée, le feuilleton judiciaire de l’affaire Dieudonné. Il est 18h et le Conseil d’Etat doit se prononcer sur la décision du Tribunal administratif de Nantes de suspendre l’arrêté préfectoral interdisant le spectacle “Le Mur” de Dieudonné. “On pourra toujours envoyer les frais d’essence et de péage à Valls », ironise Maxime.
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Devant le Zénith de Nantes Métropole, ils sont déjà plusieurs centaines à attendre dans une ambiance survoltée et sous bonne garde. Une centaine de CRS sont déployés pour l’occasion. Plus de 5 500 personnes ont pris leur billet pour assister à cette première représentation, et le staff de la tournée, arrivé au dernier moment, accélère la cadence pour être au point à 20h30. “C’est pas souvent qu’on vit des journées comme celle-là, reconnaît un technicien de Dieudonné.
« Valls qui nous fait une crise d’autoritarisme aiguë »
Alors que les spectateurs affluent, la décision du Conseil d’Etat tombe à 18h30. Le spectacle est à nouveau interdit. La nouvelle se répand dans la foule massée devant l’imposante façade du Zénith. Les sifflets se font plus soutenus au fur et à mesure que les CRS se déploient pour bloquer l’accès. A l’entrée du parking les employés du Zénith reçoivent pour consigne de ne plus permettre l’arrivée d’autres spectateurs. Une décision qui ne suffit pas à démotiver les plus fervents. Mais un peu partout aux abords de la salle de spectacle, les fans de Dieudonné se garent anarchiquement pour s’approcher à pied de l’enceinte.
Marc et Fanny, tous deux professeurs de collège, venus en couple ne décolèrent pas. “Je ne comprend pas pourquoi on interdit quelques minutes avant une représentation, s’emporte Marc. Valls qui nous fait une crise d’autoritarisme aiguë, et nous fait passer pour des antisémites en puissance”. Devant les CRS, certains esquivent des quenelles, le « geste » popularisé par l’humoriste. L’ambiance reste bon enfant, des fans tentent l’humour pour échanger avec les policiers. “Vous êtes de notre côté les gars, lâche Karim qui tente de se faire prendre en photo devant-eux. Les flics c’est le premier public de Dieudonné. C’est le seul à réunir les racailles et les poulets“. Dans la « Dieudosphère », les photos de policiers et militaires faisant le geste de la quenelle fleurissent en effet.
“C’est vrai qu’il dérange (…) mais moi je viens ici pour rire »
Entre les Marseillaises entonnées en choeur par la foule et les “Valls démission”, les quelques 2 500 personnes présentes discutent tranquillement. Thomas, étudiant en droit, juge la décision du Conseil d’Etat “hallucinante” car elle “remet en question les fondements de la liberté d’expression en France”. Il se défend de tout antisémitisme mais se dit de “plus en plus convaincu que tous ne sont pas égaux devant le rire”.
“C’est vrai qu’il dérange et faut reconnaître qu’il y a des fans assez borderline,explique Noémie, une jeune infirmière. Mais moi je viens ici pour rire, pour me détendre et non par conviction politique ou je ne sais quel fanatisme”. Dans le public, difficile toutefois d’échapper à la théorie du complot sioniste et aux interrogations sur les origines juives du juges du Conseil d’Etat. La rengaine sur les médias “collabos” et le lobby “sioniste” fait tristement recette.
Ambiance électrique
Enchaînant les quenelles et scandant plusieurs fois “libérez Dieudonné”, les spectateurs espèrent que celui-ci improvisera un show sur le parking. L’ambiance est électrique, certains tentent d’escalader les grilles de l’entrée au Zénith, d’autres les secouent de toutes leurs forces. Il faut la venue de Jacky, l’acolyte et régisseur de Dieudonné, pour doucher les derniers espoirs : Dieudonné ne se présentera pas à eux. La foule se disperse peu à peu à l’heure où devait commencer la représentation. Dans un dernier signe de provocation, des groupes brandissant des ananas entament la lamentable chanson Shoah-nanas à l’origine de la condamnation de Dieudonné.
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