En Belgique, les prochaines élections communales ont lieu en octobre. C’est l’heure de constituer les listes. Didier Peleman, handicapé mental, se présente sur celle des chrétiens-démocrates à Gand, dans le nord du pays. Une candidature atypique qui suscite de nombreuses réactions et fait débat.
Samedi dernier, la liste gantoise du CD&V (le parti Chrétien Démocrate Flamand) est dévoilée. Parmi les 51 candidats présentés, l’un d’eux retient l’attention. Il s’agit de Didier Peleman. Cet homme de 41 ans est un citoyen honnête dévoué à la vie associative de sa ville. Et le candidat ne rechigne pas à œuvrer dans d’autres nouveaux projets.
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« Il est investi depuis très longtemps dans le milieu du volontariat et dans notre parti. C’est donc en toute logique qu’il a sa place dans notre campagne. Et surtout, c’est lui-même qui en a fait la demande » insiste Veli Yüksel, député flamand et tête de la liste sur laquelle figure Didier Peleman.
« Tout le monde a le droit de participer »
La particularité de Didier Peleman? Il présente une légère déficience mentale. Un handicap qui lui occasionne quelques difficultés de langage et d’écriture. Mais peu importe. Le candidat fait preuve d’aplomb et de volonté lorsque la télévision belge l’interroge.
« Avec un coach, ça sera possible! C’est un beau défi, il s’agit de montrer mon talent, c’est ça ma force. Et puis, tout le monde a le droit de participer. »
Et sa différence ne paraît pas être incompatible avec un poste à responsabilités selon Jean-Pierre Coenen, président de la ligue des droits des personnes handicapées (LDPH).
« Quand la justice belge, en collaboration avec des experts, estime que c’est la meilleure solution, elle peut retirer la majorité juridique d’une personne. Par cette « minorité prolongée », elle est alors placée sous tutelle à vie et ne peut plus voter ou être éligible, entre autres. Pour lui, ce n’est pas le cas, il n’y a donc aucun problème. Surtout qu’il est très actif en tant qu’individu à part entière et ça, c’est assez rare. En plus, c’est une grande avancée, tant symbolique que vis-à-vis des textes internationaux. »
En effet, la plupart des membres de l’ONU (dont la France et l’Union Européenne) ont adopté et ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées, un texte entré en vigueur depuis le 3 mai 2008 qui assure les droits et libertés fondamentaux des personnes avec des handicaps en tous genres. Parmi ces prérogatives, l’article 29 consacre une pleine participation à la vie politique et à la vie publique. Cette disposition défend donc le droit des individus handicapés à prendre légitimement part au processus électoral.
En fait, le cas n’est pas inédit en Belgique. Il l’est uniquement pour le handicap mental parce que des personnes handicapées physiques ont déjà été élues dans ce pays et exercent actuellement leurs mandats. Ainsi, suite à une polio contractée à l’âge de 5 ans, le socialiste Franco Seminara se retrouve en fauteuil roulant. Ce qui ne l’a pas empêché aujourd’hui d’être parlementaire et de défendre au niveau fédéral les intérêts des personnes à mobilité réduite. Helga Stevens, quant à elle, est sourde. Députée au parlement flamand, elle travaille avec l’assistance d’une traductrice en langage des signes. Il en est de même lorsqu’elle officie comme conseillère communale à Gand.
Des adversaires politiques suspicieux
Cet événement repris dans les médias nationaux ne manque pas de faire réagir les adversaires politiques. Certains parlent d’un coup de publicité opportuniste pour le parti ou d’une manière hasardeuse de jouer sur la corde sensible des électeurs. Geert Versnick, candidat libéral à Gand, fait partie des suspicieux pour différentes raisons.
« D’abord, quand on demande ce qui serait concrètement mis en place dans l’hypothèse où Monsieur Peleman serait élu, les réponses du CD&V ne sont pas claires. Comme s’ils n’y avaient pas vraiment réfléchi. Ensuite, j’ai entendu dire qu’il y aurait déjà eu un candidat handicapé mental il y a quelques années sur une liste. Sans que ça fasse autant de bruit médiatique… »
Veli Yüksel tient à dissiper les doutes. Il assure que la volonté de représentation et d’intégration des personnes handicapées prime et que l’avenir est sérieusement envisagé.
« Nous y croyons vraiment! En cas d’élection, il aura avec lui un collaborateur pour lui fournir l’assistance nécessaire comme c’est le cas pour la plupart des hommes politiques belges ».
Peu de chances d’être élu ?
Didier Peleman occupe la vingtième position sur la liste. Une place médiane à laquelle il a peu de chances d’être élu ?
« Pas spécialement, la place importe peu. Pour cette législature, nous avons déjà 7 sièges au conseil communal. Il y a donc de la place. De toute façon, ce sont les votes des Gantois qui décideront », conclut Veli Yüksel.
S’il engrange un nombre suffisant de voix, le candidat pourra rejoindre cette assemblée législative au niveau de la commune pour y défendre notamment, aux côtés de 50 autres conseillers, les intérêts des personnes handicapées.
Certes bien conscient du principe politique de la consigne de vote, Jean-Pierre Coenen estime que ce n’est qu’à partir de ce moment-là que les véritables intentions seront identifiables.
« S’il va au conseil, ce sera grâce à l’encadrement mis en place autour de lui qu’on verra si le CD&V est un vrai groupe démocratique où Didier Peleman est respecté pour son individualité et dispose pleinement de sa liberté de pensée. Je veux y croire ! »
D’autres s’expriment en des termes moins enthousiastes. Siegfried Bracke est en tête de la liste gantoise de la N-VA (Nouvelle Alliance Flamande), parti séparatiste populaire au nord de la frontière linguistique. Son avis laconique sur la question fait fi de toute démagogie.
« Chaque personne a le droit d’être candidat aux élections. Point à la ligne. Pour le reste les électeurs sont assez intelligents pour juger si le candidat est assez adapté pour les représenter ou pas. Je crois profondément au « Wisdom of Crowds » (« la Sagesse des Foules »).
Cette théorie, dont l’homme politique flamand fait une interprétation bien personnelle, sera mise à l’épreuve du feu le 14 octobre prochain. Une date importante pour les « sages » électeurs de la ville de Gand. Ils auront l’occasion de peut-être donner tout son sens au slogan rassembleur du parti dont Didier Peleman fait son leitmotiv dans les entretiens accordés aux médias belges : « Tous les Gantois inclus. »
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