Chaque semaine, le Dicomodo illustré tente de dissiper une partie du brouillard de la mode en décryptant une actu, autour de ses principaux ingrédients. Sur le grill cette semaine : la série de mini-clips commandés par GAP pour Noël à la réalisatrice Sofia Coppola, dans laquelle on s’amuse du malaise qui envahit les réunions de famille […]
Chaque semaine, le Dicomodo illustré tente de dissiper une partie du brouillard de la mode en décryptant une actu, autour de ses principaux ingrédients.
Sur le grill cette semaine : la série de mini-clips commandés par GAP pour Noël à la réalisatrice Sofia Coppola, dans laquelle on s’amuse du malaise qui envahit les réunions de famille de fin d’année. Dans son offensive de normalité initiée en 2014, la marque américaine recrute là une alliée de poids.
LE géant ricain du textile. Fondé en 1969 par les Fischer, un couple d’insatisfaits qui en eut marre de ne pas trouver des jeans à leur goût. Au départ des jeans et des tee-shirts blancs, puis quelques couleurs mais sans jamais dévier de cet esprit jeans/chino/tee-shirt/polo/petit pull que les américains appellent « casual ». Aujourd’hui propriétaire d’Old Navy ou de Banana Republic, Gap est le troisième plus gros groupe de sapes au monde.
C’est Doris Fischer qui eut l’idée du nom « the gap », contraction de « the generation gap ». D’où le « the », présent sur le premier logo, bleu comme le denim. Après un gros coup de mou en 1983, Gap fait appel au génie de la pub Millard Drexler. Il élargit le panel de couleur et repense l’image de la marque. Exit le « the », bonjour l’iconique boite bleue. Tellement iconique que la décision d’en sortir le « Gap » dans un nouveau logo pondu en 2010 soulève un ouragan de contestations. Le logo est renvoyé aux oubliettes une semaine plus tard. On ne déconne pas avec un monument américain.
Sans aucun doute le néologisme le plus polémique de ces dernières saisons, qui désigne la tendance à choisir ses fringues pour leur utilité et leur banalité plutôt que pour leur originalité. Poussé à l’extrême, ce leitmotiv débouche sur une confusion entre les branchés et leurs oncles carossiers. L’écho avec les fringues très peu « brandée » de GAP est évident, et quelques mois plus tard Gap saute sur l’occasion avec la campagne « Dress Normal » (« Habillez vous normal »).
Dress Normal
Gap s’engouffre donc dans ce retour en grâce du vêtement qui ne se distingue que parce que son propriétaire est bien dans ses baskets. « Dress Normal » (sous entendu « comme vous voulez »), donc. Depuis cet été, des campagnes où stars et anonymes apparaissent sapés comme à la ville, et des mantras simples et efficaces (« Laissez vos actions faire plus de bruit que vos vêtements ») s’enchainent. Et puis pour illustrer ces non-sommations stylistiques, une première série de mini-clips dévoilé en septembre, réalisés par David Fincher, son univers abstrait, intense et sombre.
Sofia Coppola
Fille du boss FF Coppola, elle grandit en blaguant avec De Niro au bord de la piscine du Château Marmont. Réalisatrice à 18 piges, on lui doit notamment les ados éthérées et désabusées de Virgin Suicides, le spleen tokyoïte partagé de Bill Murray et Scarlett Jo’ dans Lost In Translation, et une Marie-Antoinette rock. Sofia balade un CV bankable et une esthétique ciselée de l’Amérique. Sa rencontre avec GAP est tout sauf fortuite.
Holiday 2014 by Sofia Coppola
Après David Fincher, c’est à Sofia Coppola que GAP a demandé de réaliser une série de (très) courts pour mettre en images son slogan de Noël qu’on pourrait synthétiser par « Pas besoin d’être sur la même longueur d’onde que sa famille pour leur offrir du Gap ». Au fil de saynètes qui illustrent les gros moments de gêne que réservent les réunions familiales de fin d’année, Sofia décline le concept. Les sapes passent presque au second plan, et Gap signe « une campagne très chaleureuse, très honnête, très GAP », selon leur directeur marketing Seth Farbman. Prends ça, l’hypocrisie de la mode.
Par Gino Delmas & Al Polletino