A la fois parodique et enchanteur, cet album d’Anouk Ricard et Etienne Chaize s’attaque à la fantasy en brouillant les pistes.
Alors qu’il vient de déguster des fruits dans les champs, Fernando est chargé d’une mission de la plus haute importance : partir dans le monde des hommes pour mettre la main sur le sage Patrix. Celui-ci doit redonner toute sa puissance à la Boule de feu, l’artefact magique qui fournit son énergie à la barrière protégeant le village contre les terrifiants Maruflans.
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Il suffit de quelques pages et de l’arrivée d’un oiseau coiffé d’un casque de chantier – il vient bâtir le “portail inter-monde” – pour comprendre que ce récit aborde la fantasy sur un ton décalé. L’aspect naïf des personnages le confirme comme les dialogues drolatiques qui scandaliseraient un J. R. R. Tolkien.
Objet visuel étonnant
Le lectorat habituel d’Anouk Ricard (Coucous Bouzon, Faits divers, Les Experts en tout) reconnaîtra vite sa signature comique, ce mariage entre un graphisme faussement enfantin et un humour absurde. Mais il va aussi – nouveauté – se perdre dans la contemplation des décors, remplis de détails abscons, et s’étonner des couleurs psychédéliques.
Pour mieux brouiller les lignes, Anouk Ricard a trouvé un formidable allié en la personne d’Etienne Chaize (auteur de Helios). Celui-ci, maître Jedi du logiciel Photoshop, adepte de la peinture numérique et des collages, donne une troublante ampleur à Boule de feu. Cet objet visuel étonnant convoque autant les gags idiots de Charlie Schlingo que les délires colorés de Richard Corben ou l’esthétique de jeux vidéo – en témoigne une double page labyrinthique qui semble rendre hommage au jeu d’arcade Q*bert.
Une farce comme un grand spectacle
La complémentarité des deux artistes permet ainsi à cette farce d’avoir l’envergure d’un grand spectacle où l’évidente dimension parodique n’est jamais écrasante. Si elle provoque son lot d’éclats de rire et se manifeste par une galerie de protagonistes improbables, la touche humoristique d’Anouk Ricard ne dérègle pas totalement la mécanique fantasy.
Les adeptes du genre trop bornés risquent tout de même de s’étrangler, mais les fans de la série Donjon, imaginée par Lewis Trondheim et Joann Sfar, adoreront cette création qui louvoie entre premier et énième degré.
Boule de feu (Editions 2024), 72 p., 24,50 €
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