La crédibilité de Michel Maffesoli vient d’en (re)prendre un sacré coup. Visé par un canular, le sociologue français a publié dans sa revue « Sociétés » un article prétendument académique sur l’Autolib’, mais qui n’avait en réalité… rien d’authentique. Retour en arrière. Le jeune sociologue québécois Jean-Pierre Tremblay propose un article à Michel Maffesoli pour son magazine bimestriel « Sociétés ». Le […]
La crédibilité de Michel Maffesoli vient d’en (re)prendre un sacré coup. Visé par un canular, le sociologue français a publié dans sa revue « Sociétés » un article prétendument académique sur l’Autolib’, mais qui n’avait en réalité… rien d’authentique.
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Retour en arrière. Le jeune sociologue québécois Jean-Pierre Tremblay propose un article à Michel Maffesoli pour son magazine bimestriel « Sociétés ». Le thème ? L’Autolib’, avec ce titre très précis : « Automobilités postmodernes : quand l’Autolib’ fait sensation à Paris ». Dix pages, disponibles ici en pdf, décrivent cet objet apparu dans la capitale française en 2011, pour mettre à jour, selon le résumé « les soubassements imaginaires d’un objet socio-technique urbain contemporain : l’Autolib’. Sur la base d’une enquête de terrain approfondie, elle-même couplée à une phénoménologie herméneutique consistante, nous montrons que la petite voiture de location d’apparence anodine, mise en place à Paris en 2011, se révèle être un indicateur privilégié d’une dynamique macrosociale sous-jacente : soit le passage d’une épistémè «moderne» à une épistémè «postmoderne»(… )». Un passage qui laisse songeur…
Et voilà le texte validé par la revue « Sociétés », que dirige Michel Maffesoli, avec une facilité déconcertante. Relu par le comité de lecture, l’article devient gage de sérieux et de qualité scientifique, précise Libération.
Un canular écrit dans le style de Maffesoli
Ce texte est donc un bête canular. Jean-Pierre Tremblay n’a jamais existé. Le sociologue Arnaud Saint-Martin et le doctorant Manuel Quinon sont les deux Français à l’origine de cette blague si bien préparée, qui vise à démontrer l’absence de rigueur scientifique de la part de la revue Sociétés, elle-même victime d’un style « maffesolien » assez absurde.
Manuel Quinon résume bien l’affaire :
«Absolument aucune enquête, pas de données expérimentales ou d’observation, une sociologie réduite à une conjecture, une vision de l’Homme mu par une force dionysiaque que la postmodernité libérerait et qu’il faut plaquer sur toute réalité sociale».
Pour rédiger cet article absurde, les deux « trolls » ont judicieusement écrit leurs phrases dans le style de Michel Maffesoli. Petit florilège.
« L’Autolib’, dont l’existence précède l’essence ».
« Ainsi, la masculinité effacée, corrigée, détournée de l’Autolib peut-elle enfin laisser place à une maternité oblongue – non plus le phallus et l’énergie séminale de la voiture de sport mais l’utérus accueillant de l’abri-à-Autolib »
« Après excavation, Autolib’ apparaîtra comme la marque d’une « libido mobilis », d’une énergie libidinale autocentrée, sorte de « centralité souterraine »; littéralement automobiliste ».
« L’ergonomie du véhicule indique assez un parti pris sémiologico-praxéologique : c’est une automobile ouverte, car elle s’ouvre à l’usage »
Et d’ajouter à leur article des photos prises avec un smartphone comme simple preuve de leur « enquête sur le terrain ». Comme le duo d’auteur le révélera plus tard, aucun des deux n’a jamais mis le pied dans une Autolib’, ni interrogé un quelconque utilisateur de cette voiture.
« Maffesoli voile la réalité au lieu de l’éclairer »
Pour compléter leur canular, leur compère Yves Gingras explique avoir utilisé un logiciel d’analyse de texte afin de comparer « 20 articles de Michel Maffesoli de même que l’article de Jean-Pierre Tremblay de façon à situer ce dernier par rapport à Maffesoli ». Le résultat complet de cette analyse sera bientôt publié dans la revue Carnet Zilsel.
Après avoir révélé les ficelles de leur farce dans un article samedi dernier dans Carnet Zilsel, nommé Le maffesolisme, une sociologie en roue libre, le duo explique en quoi Michel Maffesoli fait de la sociologie une science de moins en moins abordable. « La soi-disant sociologie de Maffesoli jette un voile sur la réalité, au lieu de la dévoiler », affirme Manuel Quinon.
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