Leurs illustrations habillent les grands magasins, le métro de Tokyo ou les marques de luxe. A l’occasion de la sortie de leur art book, rencontre avec les Kerascoët, deux dessinateurs qui ont fait du travail de commande un prolongement de leurs obsessions graphiques. Marie et Sébastien, ceux qui répondent au pseudonyme commun Kerascoët, ont un […]
Leurs illustrations habillent les grands magasins, le métro de Tokyo ou les marques de luxe. A l’occasion de la sortie de leur art book, rencontre avec les Kerascoët, deux dessinateurs qui ont fait du travail de commande un prolongement de leurs obsessions graphiques.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Marie et Sébastien, ceux qui répondent au pseudonyme commun Kerascoët, ont un goût très prononcé pour les images. Du genre à reconnaître au premier coup d’œil la patte de Gaspirator (soit Gaspard de Justice) sur un t-shirt. Paper Dolls, leur magnifique art-book et rétrospective réarrangée, est à l’image de leur curiosité pour toutes les cultures graphiques : riche en pistes et exubérant. On y voit les poupées de papier que le duo (dés)habille et parfois maltraite dans ses BD (le conte cruel Jolies Ténèbres ou les séries Miss Pas Touche et Beauté) mais aussi des illustrations décoratives réalisées pour les Galeries Lafayette ou Kenzo, un portrait de Zooey Deschanel pour le New Yorker…
Quelle est votre formation ?
Sébastien : J’ai suivi des études d’archi parce que je voulais une formation de dessin dans l’espace. Mais je savais que, plus tard, je ferais de la bande dessinée. Mes profs me reprochaient d’ailleurs d’avoir un dessin trop narratif.
Marie : Moi, c’est le dessin en deux dimensions qui me parlait. J’ai appris l’illustration médicale à l’école Estienne.
Comment travaillez-vous ?
Sébastien : Depuis toujours, Marie a cette capacité impressionnante à faire vivre en deux traits un personnage. Elle est dans la fulgurance, le premier jet. C’est le détonateur et je suis le finisseur. Il y a quelque chose de confortable à savoir que l’on peut se reposer l’un sur l’autre.
Vous êtes deux mais il y a bien un style Kerascoët…
Sébastien : Normalement, on harmonise nos traits. Sauf sur Jolies Ténèbres où l’on a créé un univers réaliste qui nous permet de confronter nos dessins de manière brutale. Du coup, sur l’album, l’harmonie est venue de l’aquarelle.
L’origine de Paper Dolls ?
Marie : L’envie de voir se confronter des illustrations et des supports très différents. On n’avait jamais eu l’occasion de mettre nos images vectorielles face à ce que l’on a produit en bande dessinée.
Sébastien : Quand on a commencé, c’était encore très sectorisé, ceux qui nous passaient des commandes pour des marques de luxe ne savaient pas que l’on faisait des albums à côté. Ce livre constitue autant un bilan qu’un jalon, il nous permet d’avancer, de rebondir.
L’art book réunit vos travaux publicitaires, comment considérez-vous ces travaux de commande ?
Marie : La bande dessinée peut être laborieuse, monotone…Alors que la commande est ponctuelle. Faire plaisir à quelqu’un, à un client, ça remet l’orgueil à sa place. Et les commandes nous amènent à dessiner des choses que l’on ne produirait pas spontanément.
Sébastien : On s’est rendu compte que les contraintes sont constructives, on en apprend beaucoup à cette occasion. Les commandes tombent en pleine conception d’un album de BD, ça nous nourrit de faire constamment des images différentes, ça évite la routine.
Même dans les publicités, on retrouve votre univers à la fois beau et légèrement bizarre.
Sébastien : C’est paradoxal, plus le projet est énorme, plus on a de liberté. Comme lorsqu’on a décoré les vitrines et l’intérieur des Galeries Lafayette. Cela s’appelait La Jungle d’Eden, il y avait la végétation luxuriante, un aspect plus sombre avec le serpent mais aussi un côté pop avec les touches de rose fluo.
Marie : On ne peut pas s’empêcher de produire des choses narratives. Comme on aime le mystère, on propose des images assez ouvertes.
Sébastien : Marie aime aussi prendre les gens à contrepied. A partir du moment où on lui a dit que son dessin était assez enfantin, elle s’est évertuée à faire des trucs ni mignons ni pour les enfants
Dans vos dessins, la végétation envahissante est un motif récurrent.
Marie : C’est agréable à dessiner. Et on dessine souvent des endroits où l’on a envie d’être.
Le livre montre aussi des dessins que vous avez réalisés pour vous, comme les croquis de mode…
Marie : C’était une récréation, comme le moment où je me suis mise à dessiner derrière des timbres. Beaucoup d’images– peut-être la moitié – on les a faites pour nous. Dans Paper dolls, on a aussi mis des travaux de commandes refusés. Il y a quelque chose que l’on ne peut pas nous enlever c’est le plaisir qu’on a à faire un dessin !
Au final, comment définissez-vous Kerascöet ?
Marie : C’est notre univers, notre fourre-tout.
Sébastien : Le produit de nos expérimentations.
Retrouvez Paper Dolls des Kerascoët dans la sélection beaux-livres du supplément Cadeaux des Inrockuptibles n°991.
Vincent Brunner
{"type":"Banniere-Basse"}