Alors que Louise Bourgeois est exposée au MoMa de New York pour une grande rétrospective, Paris a la chance d’accueillir la collection des Editions de l’artiste à la galerie Karsten Greve. Des pièces rares, aussi délicates que punk qui recoupent tous ses sujets de prédilection, le corps et la nature en particulier.
Louise Bourgeois, d’un père américain et d’une mère française, a grandi en France avant de partir pour les Etats-Unis où elle s’est révélée à elle-même et au public en tant qu’artiste. On connaît ses sculptures, comme l’araignée Maman ainsi que son arc de l’hystérie qui transforme la folie féminine définie par le Dr Charcot dans la fin du XIXe siècle en un plaisir éprouvé par un corps d’homme androgyne représenté en bronze par Bourgeois.
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Les corps, la nature, on retrouve tout cela dans les Editions exposées à Paris à la galerie Karsten Greve, pensées comme un écho français aux pièces des Editions en ce moment présentes au MoMa à New York. Plus de 5 400 planches, 40 portfolios et 12 livres composent cet imposant travail que Louise Bourgeois a peaufiné et complété toute sa vie durant. Pas de sculpture mais des lithographies, eaux-fortes, pointes sèches, gravures qui forment un ensemble riche qui reprennent les grands topoï de son œuvre.
Les Editions : une œuvre en 2D aux mille dimensions
Pour son travail sur les Editions, Louise Bourgeois avait installé chez elle, à New York, une mini-imprimerie et travaillait avec des éditeurs de la ville pour publier ses œuvres. Douze livres vont naître de ce travail, dont Homely Girl, un ouvrage qui scelle la collaboration entre Arthur Miller et la plasticienne. Dans les pages de ce livre en deux tomes, un texte très long de l’auteur, et des illustrations par Louise Bourgeois. Exposée sous vitrine à la galerie Greve, on peut observer une page de l’histoire écrite par Miller et une lithographie de Bourgeois – qui fait écho aux arbres de son portfolio Topiary, un peu plus loin.
La “topiairie” en français, correspond à l’étude de la taille des plantes pour leur permettre de repousser de la meilleure façon. Dans ce portfolio, des membres humains : la sœur de l’artiste, touchée par une maladie qui lui immobilisait la hanche, est en réalité au cœur de ces planches. Bourgeois cherche à faire repousser en images la jambe morte de sa sœur. Les dessins sont forts, et l’histoire emprunte au mythe de Daphné autant qu’à la vie personnelle de l’artiste. De la même façon, les portfolios de l’arc d’hystérie – en triptyque –, Anatomy ou encore des araignées sont tout autant de forts et rares témoins du travail de Louise Bourgeois pour les Editions.
Une mini-rétrospéctive puissante
L’exposition s’achève sur quelques pièces magistrales : deux livres d’environs 50 cm de haut, dont le texte a été écrit par Louise Bourgeois en 1947, mais imagé et imprimé en 1990 – soit une œuvre qui lui aura fallu 43 ans pour achever. Un tableau, aux airs très surréalistes, intrigue aussi : un édredon géant qui se plisse en une bouche, plusieurs perspectives et dimensions, un bleu en camaïeu qui happe le spectateur. Si Louise Bourgeois n’a jamais été affiliée à aucun mouvement artistique, c’est au surréalisme que l’on a envie de rattacher cette pièce.
Un peu comme la dernière œuvre, presque cachée dans la dernière salle : majestueuse, une Sainte-Sébastienne sensuelle et, encore, surréaliste, s’expose toute en cercles et courbes. Il est très particulier de se trouver face aux Editions de Louise Bourgeois : toute la puissance et les sujets récurrents de son œuvre s’y recoupent. Ainsi, l’exposition est un spectre large, riche et rare qui donne à encapsuler visuellement Louise Bourgeois dans son entièreté en un espace.
Louise Bourgeois, Editions, à la galerie Karsten Greve, du 9 janvier au 24 février.
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