« Quai Nina Simone » ou encore « Rue Simone de Beauvoir »… Des militantes de l’association « Osez le féminisme » ont rebaptisé toutes les rues de l’Ile de la Cité à Paris avec des noms de femmes mardi 25 août. « FémiCité », une campagne amusante afin de demander à la mairie de Paris d’aller plus loin dans la féminisation des noms de rue de la capitale.
[Edit] Suite à la publication de l’article, la Mairie de Paris nous a contacté pour apporter quelques informations supplémentaires.
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Mardi 25 août à la nuit tombée. Sur l’Ile de la Cité (Paris), de petits groupes de militants, perche à la main, rebaptisent les noms de rues. En quelques heures, la rue « Massillon » devient « Camille Claudel », la « Rue de Harlay » est renommée « Rue Florence Arthaud » et le « Pont Saint-Michel » se transforme en « Pont Toni Morisson ».
Aujourd’hui seules 2,6% voies et places parisiennes portent un nom de femme. Et sur 300 stations de métro, une seule comporte le nom entier d’une grande figure : Louise-Michèle. On trouve ensuite les métros « Pierre et Marie Curie » et « Barbès-Rochechouart » (Marie-Adrienne de Rochechouart, première femme titulaire du permis de conduire en France), deux femmes exceptionnelles, mais qui ne possèdent pas leur propre station. « Ce nombre reste ridiculement bas… », déplore Aurélia Speziale, une jeune militante qui a organisé toute l’opération.
« Les femmes doivent être représentées »
Pour marquer les 45 ans de la création du « Mouvement de Libération de la Femme » (MLF), l’association Osez le féminisme a lancé une nouvelle campagne : « FémiCité ». Son but ? « Recouvrir les plaques des rues par des noms de femmes. Pour apporter de la visibilité aux femmes dans l’espace public et interpeller la Maire de Paris sur cette question », explique Aurélia Speziale. « Les femmes doivent être représentées au même titre que les hommes, pour ne pas se sentir dévalorisées », ajoute-t-elle.
Pourquoi l’Ile de la Cité ? « C’est le cœur de Paris. Nous allons poser nos dames devant ‘Notre-Dame’ », sourit la jeune militante. Une autre opération est prévue pour le lendemain matin : une installation de street art. En partenariat avec l’artiste BauBô, Osez le féminisme va afficher des carrés de crochet représentant les noms de plusieurs figures historiques sur des grilles du square de l’Ile de la Cité. BauBô, cheveux frisés, casquette sur le côté et baskets aux pieds explique le concept :
« Des militantes de différentes villes m’ont aidé à faire les 2 260 carrés de crochet. Cela va faire trois mois environ que je fais du crochet à une moyenne de cinq heures par jour. Ce n’est pas une activité dite ‘féminine’, c’est ouvert à tous. Sur les 13 mètres de grillage, on retrouvera de grandes figures telles que l’océanographe Anita Conti, l’ouvrière et syndicaliste Lucie Baud, Rosa Parks ou encore Flora Tristan, qui s’est battue pour les droits des ouvriers et des femmes, sauf qu’à l’époque tout le monde s’en foutait… ».
Paris rebaptisé
Pendant l’installation, les militantes distribueront des tracts afin de sensibiliser les passants et expliquer leur démarche. Ainsi, on peut y voir un plan de l’Ile de la Cité, entièrement rebaptisée :
Plus d’une vingtaine de personnes se sont réunies mardi soir dans un bar du quartier Saint-Michel afin de boucler les derniers préparatifs. Les nouvelles « plaques » en papier, sont collés à l’aide de perches bricolées et de double scotch. Elles sont réparties parmi les militantes et les quelques militants. « Posez-les bien sur les plaques, sur les murs ça ne collera pas, recommande Aurélia Speziale. Pour être efficace il faut être discret et rapide ! ».
2% des rues en France portent le nom d’une femme
Très vite, les équipes se répartissent les différentes rues à recouvrir. « Mince, il va falloir contourner la préfecture de police », pas de chance pour ce groupe qui hérite d’une zone un plus « risquée ». Antoine, perche à la main et Charlotte, montant la garde, ont justement rejoint Osez le féminisme en 2010 pour les « actions concrètes » organisées par l’association.
« Laissez-nous un peu de répits, bientôt 90% des rues porteront des noms de femmes », interpelle un passant. Pour le moment en tout cas, on est loin du compte… Dans la France entière, la moyenne est de 2%. En 2012, neuf stations de tramway des Maréchaux ont été baptisées par des noms de femmes (Colette-Besson, Ella-Fitzgerald…). En décembre prochain, une gare sera inaugurée dans le 19e arrondissement et s’appellera « Rosa Parks », figure emblématique de la lutte contre la ségrégation raciale aux Etats-Unis. Une première. « Mais cela n’est pas encore suffisant », affirme la militante Aurélia Speziale. Dans un communiqué, l’association souhaite qu’Anne Hidalgo, la Maire de Paris, aile « plus loin » :
« La Mairie de Paris a manifesté sa sensibilité au sujet en baptisant toutes les stations de la ligne 3 du tramway de noms de femmes, en 2012. Aujourd’hui, Osez le Féminisme ! demande à Anne Hidalgo d’aller plus loin.
Nous demandons à ce que d’ici 2019, autant de femmes que d’hommes donnent leurs noms à des rues de Paris. Afin que les femmes ne soient pas constamment reléguées à la périphérie et aux lieux peu fréquentés et peu connus, nous demandons également à ce qu’une grande place parisienne soit attribuée à une femme. Enfin, des noms de femmes pourraient être donnés à tous les nouveaux établissements publics. »
Selon la Mairie de Paris, cet écart ne se retrouverait pas dans les dénominations attribuées ces dernières années :
« Entre 2008 et 2014, sous Bertrand Delanoë, la Ville de Paris a rendu hommage à 98 femmes sur 228 dénominations, on approchait donc de la parité. Depuis le début de la nouvelle mandature, en mars 2014, et conformément à la volonté d’Anne Hidalgo, la parité est observée. La commission annuelle de dénomination, qui s’est réunie en février dernier, a même été bien au-delà, puisque sur les 36 dénominations décidées, 22 rendent hommage à des femmes. »
Avec cette opération, les militantes espèrent que les gens ne demanderont plus simplement « Qui était untel ? », mais aussi pourquoi pas : « Qui était unetelle ? ». « Les femmes n’ont-elles rien fait d’important ? C’est comme si elles n’avaient laissé aucune trace dans l’histoire… », conclut Aurélia Speziale.
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