Fini les laïus mécaniques de nos élus, place aux androïdes.
La langue de bois en reste pendante. Les discours froids et mécaniques de certains politiques ont trouvé de nouveaux auteurs : les robots. Valentin Kassarnig, de l’université du Massachusetts à Amherst aux Etats-Unis, a décortiqué 3 857 discours issus de 53 débats du Congrès américain.
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Il a fait avaler ces données à son ordinateur qui en a analysé les structures, les redondances, les mots et les tournures utilisés en fonction de l’appartenance politique (droite/gauche). Et voilà ! Son algorithme peut générer un discours sur n’importe quel sujet en se payant le luxe d’orienter son point de vue en version démocrate ou républicaine.
Des discours stéréotypés
Résultat : impossible de distinguer le discours écrit par un député lambda et le laïus de la machine. “M. le Président, pendant des années, d’honnêtes mais malheureux consommateurs avaient la possibilité de plaider leur cas en se plaçant sous la protection de la loi sur la faillite et voyaient leurs dettes effacées. Défendez la croissance et les opportunités. Votez cette loi !”, peut-on lire dans les exemples que donne Valentin Kassarnig.
Nul besoin d’être un ordinateur, cela dit, pour remarquer les agaçants éléments de langage. Avec un peu d’habitude, on a vite fait de savoir, de prédire ce que va répondre tel politique à tel contradicteur. Pourquoi s’échiner dès lors à écrire ces discours stéréotypés. Laissons cela aux robots. Resteront aux élus quand même les effets de manche et les intonations appuyées. Le langage corporel en somme.
Une rhétorique robotique
Mais l’avancée de la robotique nous permet de penser que le corps aussi laissera bientôt sa place aux androïdes. Costumés et bien coiffés, les robots assistants se succéderont à la tribune pour défendre ou descendre les lois en serrant le poing ou en pointant du doigt. Dans le fond de l’hémicycle, seuls quelques députés endormis et avachis suivront d’un œil les débats préécrits pour donner le change démocratique.
A la télé, bientôt, les mêmes robots s’étriperont à coups de “ce que veulent les Français, monsieur…”. Idem, aux affaires, ils présideront les assemblées. Et personne ne sera plus dupe : les androïdes gouverneront. Ils édicteront des lois qui généraliseront le vote électronique. Les machines voteront donc pour les machines.
Nous assisterons à la naissance de la mekharchie, le pouvoir des machines, par les machines, pour les machines. C’est à peine si les humains seront encore mentionnés dans la déclaration des droits des androïdes. Mais un jour, lassé de voir ces robots s’écharper sur des sujets vains et servir des idées frelatées dans l’arène politique, un poète en colère grattera sur le coin d’une table quelques tournures bien senties, quelques justes saillies, un discours doté d’un supplément d’âme, capable de faire frissonner à nouveau ses congénères. Et l’on renversera la machine.
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