A la suite du lobbying intensif de l’association catholique fondamentaliste Civitas, qui dénonce le caractère blasphématoire de certaines pièces contemporaines, une quinzaine de députés UMP se sont alignés sur les positions du mouvement. Ils réfléchissent à déposer une proposition de loi visant à priver de subventions publiques les institutions accueillant des pièces de théâtre offensant une religion.
Le 30 octobre dernier, à l’issue d’une « manifestation contre la christianophobie » ayant réuni plus de mille cinq cent chrétiens fondamentalistes, Alain Escada, l’initiateur de l’événement prend la parole sur la place André Malraux dans le Ier arrondissement de Paris.
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Sous une pluie battante, le secrétaire général de l’institut Civitas ne cache pas sa satisfaction de voir réunie devant lui la famille nationaliste catholique au grand complet. Des maurrassiens de l’Action française aux militants contre-révolutionnaire du Renouveau français en passant par les pétainistes de l’Œuvre française, ils sont tous là pour protester contre la pièce de Romeo Castellucci, Sur le concept du visage du fils de Dieu, qu’ils jugent offensante.
Mais Escada veut aller plus loin. Il souhaite convaincre les députés catholiques de la majorité : « Nous allons désormais solliciter les parlementaires de l’Assemblée nationale. Nous souhaitons faire déposer une loi visant à retirer toutes subventions publiques à une organisation culturelle qui programmerait un événement offensant une religion. »
Un texte signé par quinze députés
Un mois plus tard, Civitas engrange les premiers résultats de cette stratégie de lobbying intensif. Le mouvement proche de la Fraternité Saint-Pie-X dispose en effet d’un puissant relais au sein du palais Bourbon en la personne de Jacques Remiller. Sous la bonhommie et les lunettes rectangulaires de ce député de l’Isère se cache un défenseur des intérêts de l’Eglise au sein de l’Assemblée nationale. Président du groupe d’études à vocation internationale sur le Saint Siège, il assiste régulièrement aux rencontres officielles avec le pape. Le 25 novembre dernier, il a réussi le coup de force de faire signer un texte à quinze députés de la majorité pour protester contre les persécutions que les chrétiens subissent dans le monde notamment au Nigéria ou en Egypte.
Mais au détour d’une phrase, le texte ose la comparaison avec les pièces de théâtre de Roméo Castellucci et de Rodrigo Garcia que Civitas juge blasphématoire : « Notre pays n’est pas épargné, dans l’indifférence quasi générale également […]. Au printemps, le Piss-Christ d’Avignon (crucifix macérant dans un bocal d’urine) […]. Puis les deux pièces de théâtre qui font malheureusement trop parler d’elles. »
Ce groupe de députés UMP, parmi lesquels Lionnel Luca et Etienne Pinte, n’hésite pas à cautionner « la légitime indignation » des catholiques fondamentalistes et leurs débordements :
« Certains clament leur très légitime indignation en manifestant publiquement devant théâtres ou salles d’exposition. Sans doute certains sont-ils excessifs car excédés par ce déferlement christianophobe. Mais ils ont le mérite de réveiller une certaine apathie chez nos concitoyens qui, tout en étant d’accord avec eux, n’osent pas réagir, terrorisés par l’opinion médiatique qui les ferait passer pour des ‘fondamentalistes chrétiens’. »
Pour une distribution « plus sélective » des subventions
Comme Civitas, ces députés cathos réclament la suppression des subventions publiques pour les institutions accueillant ces œuvres contestées :
« Comment pouvons-nous admettre que l’argent du contribuable subventionne grassement des œuvres si contestables ? Accepterions-nous que l’impôt finance des scènes non respectueuses de l’Islam ou du Judaïsme ? »
Interrogé par les Inrocks, Alain Escada espère qu’un projet de loi puisse être prochainement déposé à l’Assemblée nationale. « Nous travaillons de manière intensive avec cinq députés pour y aboutir », confie-t-il. Pour parvenir à leurs fins et convaincre les parlementaires récalcitrants, Civitas demande à ses ouailles de solliciter les députés de leur circonscription. « Lorsqu’un parlementaire reçoit un courrier, il sait que ça représente des voix », explique sans détour Alain Escada.
Boutin et Vanneste sur la même ligne
De nombreuses personnalités politiques sont sensibles à cet argument électoral. Alors qu’elle s’était abstenue de toute critique contre la pièce de Roméo Castellucci, Christine Boutin, candidate à la présidentielle du Parti chrétien-démocrate, a condamné la pièce de l’Argentin Rodrigo Garcia dans un communiqué publié sur son site : « Je considère ce mépris de la dignité d’une majorité de croyants de notre pays comme une nouvelle forme de discrimination. » Tout en réclamant au « gouvernement et aux collectivités de retirer tout soutien public à cette pièce ».
Elle n’est pas la seule. Au cours d’un entretien avec le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand il y a quinze jours, le député du Nord Christian Vanneste a lui aussi adressé cette requête. Joint par téléphone, il justifie sa position : « J’estime que la distribution d’aides publiques devrait être plus sélective. Quant à l’Eglise, elle devrait s’exprimer contre ces spectacles. Un chrétien ne peut qu’être offensé par ces pièces de théâtre. »
David Doucet
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