Tenu par la gauche, le Vaucluse, fief de la députée frontiste Marion Maréchal-Le Pen, était l’une des principales cibles du FN. L’extrême droite ne remporte que cinq des dix-sept cantons. Au niveau national, le parti ne conquiert aucun département, mais confirme sa forte implantation.
Assaillie par les caméras, Marion Maréchal-Le Pen se contente de regretter “voir le département retomber aux mains de l’UMPS ». Présenté comme une de ses meilleures chances de victoire avec 41,1 % au premier tour, elle n’a pas remporté le Vaucluse. Les listes menées par les députés Maréchal-Le Pen (FN) et le maire d’Orange, Jacques Bompard (Ligue du Sud), n’obtiennent finalement que cinq binômes sur les dix-sept de l’Assemblée départementale (trois pour le FN et deux pour la Ligue du Sud).
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Si les attentes étaient larges après le 1er tour, le résultat du parti lepéniste est toutefois un record. Le Vaucluse reste un de ces laboratoires où l’extrême droite talonne une UMP qui termine avec seulement six binômes départementaux. Et de justesse : à Sorgues, Thierry Lagneau et Laure-Comte Berger, UMP-UDI, gagnent avec 51,5 % face aux candidats FN. (A Valréas, la Droite populaire se maintient avec 52, 89 %). Sur place, difficile de savoir si la stratégie électoraliste outrancière de Nicolas Sarkozy de ces derniers jours a porté ses fruits, à savoir cibler la communauté musulmane dans le but de récupérer des électeurs au Front national.
La logique du bouc émissaire de Nicolas Sarkozy
Une chose est sûre, cette logique du bouc émissaire aura forcément un coût à long terme : la menace FN étant juste momentanément écartée. Comme prévu l’élection s’est avant tout jouée à Avignon, où les trois cantons, contre toute attente, restent entre les mains de la gauche. Sur Avignon-3, le candidat sortant du PCF, André Castelli, réalise même un exploit car le frontiste Philippe Lottiaux, ancien collaborateur de Balkany et parachuté en 2013, avait obtenu 47 % des voix au premier tour : “Nous sommes parvenus à mobiliser un électorat pour le second tour qui était bien décidé à faire barrage au Front national”, analyse enthousiaste André Castelli.
Avec sept sièges, le Parti socialiste bénéficie désormais d’une majorité relative : sur le canton de Vaison-la-Romaine, Claude Haut, président socialiste sortant du Conseil général, est élu au bénéfice d’une triangulaire qui l’opposait au FN et à l’UMP-UDI.« On est ravi de voir le FN reculer dans ce département. Évidement il faudra trouver une solution avec la droite républicaine », reconnaît-il avec prudence.
La politique du moindre mal
D’autant qu’en ce dimanche, si la joie et le soulagement sont bien palpables au sein des sièges des partis de gauche, ces résultats ne sont pas célébrés comme une victoire pour la population. “J’ai choisi les socialistes comme politique du moindre mal, sans grande conviction”, reconnaît Farid, trentenaire des quartiers populaire de la rocade. La cité des papes et sa fameuse place de l’Horloge sont bien calmes ce soir : comptant la plus grande zone commerciale d’Europe (Auchan-Le Pontet), le Vaucluse demeure ce mélange de ruralité et de zones périurbaines, où le mode de vie pavillonnaire rythme tranquillement le quotidien de la plupart de ses habitants.
Élue avec plus de 60% des voix, Darida Belaïdi, candidate élue socialiste à Avignon-1 profite d’une grosse campagne de terrain dans les quartiers défavorisés : « Nous sommes parvenus à mobiliser autour de l’enjeu social de ces élections parmi ces classes populaires qui ne votent pas. Comme je me suis engagée, je resterai leur porte-voix », assure-t-elle. A l’inverse, dans le canton de Carpentras, le Parti socialiste rompt difficilement avec cette image tenace de “parti d’apparatchiks” : le candidat – déjà maire – Francis Adolphe est battu par Hervé de Lépinau et Marie Thomas de Maleville (FN).
Un vote FN fort chez les 25-34 ans
A partir de 2012, les enquêtes Ipsos ont relancé les débats montrant que le vote FN est désormais plus fort chez les 25-34 ans que chez les seniors, plus fidèles à l’UMP. Aujourd’hui à Avignon ce phénomène étaitmanifeste : sur le bureau de vote de l’avenue de la Trillade, c’est un trentenaire aux cheveux rasés, Frédéric, qui tenait le rôle de recenseur pour le parti lepéniste. Dans le sillage des institutions de 1958, la loi du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux a certes instauré la parité, elle constitue également un trompe-l’œil. Si l’extrême droite n’obtient que cinq sièges dans le Vaucluse, c’est aussi que ce système qui rejette l’introduction, même partielle, du scrutin proportionnel, renforce le bipartisme.
Jusqu’à quand ? Contrairement à autre une idée reçue, l’électorat du FN continue a se diffuser au-delà du monde ouvrier ou du petit commerce : “Il concerne de nouveaux secteurs d’activité, y compris les plus réfractaires au vote FN, comme la fonction publique”, témoigne ainsi Abdel Radan, employé de mairie et fidèle au Parti socialiste. Par ailleurs, si l’extrême droite est contenue, la parole raciste, intolérante pour ne pas dire bête s’est largement libérée : « Le Front national n’aurait peut être pas fait mieux, mais j’ai voulu exprimer mon ras-le-bol : il n’y en que pour les ‘marrons’ », lâche ainsi Martine cette votante quinquagénaire, désignant les émigrés et leurs descendants comme responsables de tous les maux. Dans le Sud-Est où les inégalités économiques battent des records, la logique de stigmatisation est brandie depuis longtemps par la droite populaire et reste un écran de fumée tenace. Même si le ras-de-marée Front national annoncé n’a pas eu lieu.
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