Dans un « post » Facebook massivement repris après les attentats du 22 mars de Bruxelles, l’auteur et réalisateur Ismaël Saïdi a répondu à ceux qui demandent aux musulmans de descendre dans la rue. Il nous explique ce qui l’a poussé à écrire ce billet d’humeur, et plaide pour une « recontextualisation » du Coran.
Vous attendiez-vous à ce que votre « post » Facebook soit autant partagé ?
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Ismaël Saidi – Pas du tout. Je poste souvent des billets d’humeur sur ma page Facebook, parfois des textes plus longs, des histoires. En tant qu’auteur, ces billets me permettent de rester en contact avec les gens. Mais je n’aurais pas cru que celui-ci prendrait des proportions pareilles !
Etait-ce un coup de gueule spontané, après avoir entendu beaucoup assurer que les musulmans devaient, plus que les autres, condamner les attentats jihadistes ?
C’était surtout après avoir reçu d’innombrables messages insultants sur ma page disant « Alors, vous êtes où maintenant ? ». A un moment, ces attaques m’ont fatigué et j’ai décidé d’écrire ce post en réponse.
Demander aux musulmans de descendre dans la rue pour condamner des attentats ciblant toute la société, n’est-ce pas jouer le jeu de Daech et diviser la population ?
Les musulmans descendent dans la rue condamner les attentats dès qu’il y a une marche. Mais un « européen musulman » n’a pas de signe distinctif, toutes les femmes ne portent pas le foulard. Si vous croisez ma femme dans une manifestation, comment sauriez-vous qu’elle est musulmane ? Et moi ? Je pourrais être athée, juif… Demander aux musulmans de descendre dans la rue, c’est un non-sens, juste une provocation, encore plus inutile aujourd’hui.
Aujourd’hui, avez-vous non seulement peur d’autres attentats, mais aussi d’un amalgame entre extrémisme islamiste et islam ?
J’ai peur que tous les extrêmes se nourrissent de la peur des gens. C’est ce que Daech veut : un monde manichéen, marqué par une fracture sociale d’où l’horreur peut sortir.
Vous avez mis en scène une pièce de théâtre humoristique, Djihad, déclarée d’utilité publique. La culture est-elle un moyen de combattre l’extrémisme religieux ?
En tant qu’artiste, la culture est ma seule arme. Les extrémistes n’ont pas cette arme et elle leur fait peur. C’est dans ma culture que l’art soit un rempart !
Dans votre pièce Djihad, vous mettez en scène trois jeunes, qui n’ont jamais lu le Coran mais ne cessent d’invoquer Allah. Le Coran n’est-il, pour Daech, qu’un moyen parmi d’autres de justifier l’extrémisme ?
Bien sûr ! Ils en prélèvent des extraits qu’ils utilisent comme ils l’entendent. Là, j’ai une responsabilité en tant que père belge et musulman face à mes enfants. Ne pas leur apprendre le Coran en en prélevant des fragments mais reprendre l’histoire liée au Coran et la remettre dans son temps, sa société. C’est pour cela que je pense que le meilleur travail contre l’extrémisme est celui fait aujourd’hui par des personnes comme Rachid Benzine, qui « recontextualisent » le Coran. C’est la meilleure arme, peut-être même la seule !
Mardi soir, le hastagh StopIslam était l’un des plus discutés sur Twitter. Avez-vous ressenti une montée de l’islamophobie depuis les attentats de Paris et maintenant de Bruxelles ?
Dans la vraie vie, non, mais encore une fois c’est peut-être parce que, d’apparence, on ne peut pas voir que je suis musulman – encore une preuve du non sens de la demande « d’affichage » des musulmans. Par contre, sur les réseaux sociaux, je suis bien touché par un discours islamophobe.
Toutefois, les réseaux sociaux, ce n’est pas la vraie vie. C’est un peu comme un comptoir de café où les gens peuvent venir vider leurs angoisses en buvant un verre. Ce qui s’y dit reflète l’angoisse d’un moment, mais pas nécessairement la réalité. C’est pour cela que je ne me base pas dessus pour me dire que le discours islamophobe s’est enflammé. Peut-être aussi parce que je suis un grand optimiste…
Propos recueillis par Gaëlle Lebourg
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