Depuis quelques années, plusieurs start-up françaises font la course en tête dans le développement du Lifi, l’Internet par la lumière. Plus puissant, plus rapide et plus sécurisé que le wifi, le LiFi pourrait bien s’imposer dans la bureautique professionnelle. A La Défense, une filiale de la Société Générale est entrée en phase de test depuis début septembre.
Imaginez : vous allumez votre ordinateur et vous vous connectez à internet sans câble,wifi, ni fibre optique. Juste grâce à la lumière LED au-dessus de vous. Ce geste sera peut-être quotidien demain, grâce à une nouvelle technologie, le LiFi. Cela rappelle Alexander Graham Bell et son photophone qui, dès 1880, lui permettait de transmettre le son de sa voix à plusieurs centaines de mètres avec la lumière du soleil. En beaucoup mieux.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Acronyme de Light Fidelity, le LiFi actuel remonte à 2005 avec les premières expériences de communication via des LED effectuées par des chercheurs japonais. Pour faire simple, la LED s’allume et s’éteint des millions de fois par seconde invisibles à l’œil nu, envoyant des informations binaires (des 1 et des 0). L’idée est donc d’utiliser cette modulation de fréquence (comme on appelle ce phénomène) pour transporter des informations. « C’est comme du morse, mais en infiniment plus rapide », s’enthousiasme Frédéric Granotier, PDG de Lucibel, l’une des start-up françaises les plus avancées dans le développement du LiFi.
Comment ça marche ?
En fait, le LiFi existe déjà. Une autre start-up française de 30 salariés, Oledcomm, a installé cette technologie dans un musée à Liège, en Belgique. L’hypermarché Carrefour de Lille, lui aussi, expérimente le LiFi, développé par l’entreprise Philips. Mais le point commun à ces expérimentations, c’est sa limite. Les systèmes mis au point par Oledcomm et Philips sont unidirectionnels, c’est-à-dire qu’ils envoient de l’information à l’utilisateur – promotions sur un produit, informations sur une œuvre – via une application par exemple, mais celui-ci est passif. C’est ce qu’on appelle la VLC (Visible Light Communication).
http://www.youtube.com/watch?v=uQw-o6bjrec
Lucibel, de son côté, vient de mettre au point un LiFi bidirectionnel et haut-débit qui permet à l’utilisateur d’obtenir un accès complet à internet. « C’est une première en Europe, annonce Edouard Lebrun, responsable du développement commercial du LiFi chez Lucibel à Génération Nouvelles Technologies. Jusqu’à maintenant, les solutions proposées étaient unidirectionnelles avec un flux ascendant et bas-débit essentiellement utilisé pour faire de la géolocalisation. »
Concrètement, on place un luminaire LED LiFi (avec une carte électronique spéciale) dans un faux-plafond, branché à la fois au courant électrique et à un câble Ethernet. La carte électronique contenue dans le luminaire va encoder les informations, qui seront transportées jusqu’au récepteur grâce à la lumière émise par la LED. Ce récepteur transmet les informations à l’appareil, et en reçoit en retour. Les informations reçues sont renvoyées vers un récepteur situé à côté du luminaire (bientôt, il sera dedans) via infrarouge.
Dans l’idéal, le LiFi fonctionne sur n’importe quel appareil avec un accès à Internet. Mais pour l’instant, cette liste est encore limitée, concède Edouard Lebrun :
« Pour l’instant, ça marche sur ordinateur et sur tablette si vous pouvez y brancher un port USB. Mais ça ne marche pas encore sur smartphone. Nos partenaires sur la partie algorithmique du développement travaillent avec des constructeurs et on estime que d’ici trois à cinq ans, les grands constructeurs devraient avoir intégré l’émission LiFi. »
Des entreprises telles que Samsung – qui « détient plus de la moitié des brevets sur le LiFi » d’après Edouard Lebrun – et Alcatel-Lucent, racheté par Nokia en avril 2015, semblent sur le point d’industrialiser des smartphones équipés de VLC ou même de LiFi.
Pour quelle utilisation ?
Internet par la lumière, c’est sympa, mais qu’est-ce que cela a de plus que le wifi (Wireless Fidelity) ? Tout d’abord, le LiFi utilise le spectre lumineux pour transmettre de l’information, et donc pas d’ondes radio – dont les effets sur la santé sont encore méconnus mais soupçonnés d’être assez dangereux sur le long terme. Une bonne nouvelle pour les hôpitaux et les établissements qui accueillent des enfants, par exemple.
Le LiFi est aussi beaucoup plus sécurisé que le wifi : on peut accéder au réseau que si l’on est sous le cône de lumière. Pas mal pour les banques, les assurances ou les établissements militaires, qui ont si peur du hacking qu’ils interdisent parfois l’utilisation des réseaux wifi. Au revoir la saturation de la bande wifi : 10 000 fois plus large, celle du LiFi peut accueillir bien plus d’utilisateurs. Et beaucoup plus rapidement, étant donné que le débit permis par cette technologie est de 1 gigabit par seconde, soit dix fois plus élevé que celui du wifi.
Néanmoins le LiFi ne remplacera pas le wifi, il a plutôt été pensé pour le compléter :
« Ce qu’il faut comprendre, c’est que dans un premier temps, les applications du LiFi seront surtout dans le domaine professionnel, des applications B2B (Business to Business, l’architecture logicielle qui permet de mettre en relation différentes entreprises, ndlr) dans des zones où vous ne pouvez pas utiliser le wifi. »
D’ailleurs, le M. LiFi de Lucibel précise bien que cette technologie ne fonctionnera pas par forfait comme le wifi : « Les luminaires LiFi seront raccordés à un câblage Ethernet qui est, lui-même, raccordé à un routeur qui vous est livré par votre opérateur de service. » Mais ce sera bien « indépendant d’Orange, SFR et compagnie », ajoute-t-il.
Premier test à la Défense
Justement, le premier cobaye (volontaire) du LiFi made in Lucibel est une entreprise : Sogeprom, promoteur immobilier et filiale de la Société Générale. « En informatique, il y a Microsoft, et il y a Linux. Nous on est le Linux de la promotion immobilière », déclare Pierre Sorel, le directeur général délégué de Sogeprom. Cette métaphore, le sixième promoteur national la traduit dans son programme « Energies positives » géré par sa direction de l’innovation, au sein duquel Sogeprom s’est associé à l’entreprise New Wind pour installer l’Arbre à vent, un service électrique qui utilise l’énergie éolienne, et à Renault pour ré-utiliser les batteries usées de ses véhicules électriques.
La technologie LiFi développée par Lucibel est venue, il y a quelques semaines, s’ajouter à cette liste d’innovations accueillies par Sogeprom. Pour l’instant, l’entreprise n’a installé que deux luminaires LiFi, un dans une salle de pause et l’autre dans une salle de réunion.
Pour l’instant, le dispositif acheté par Sogeprom à Lucibel est expérimental : le luminaire ne couvre que 1,50 mètre de diamètre au sol, le boitier récepteur est assez imposant (environ 40 cm de long pour environ 10 cm de large). Mais « pour la fin de l’année prochaine, quand on mettra sur le marché une version industrialisée, le récepteur aura la taille d’un paquet de cigarette », indique Edouard Lebrun. De même, le projet n’est pas encore assez abouti pour que l’une des deux parties accepte de divulguer le coût d’un tel matériel. « Je ne vais pas me ruiner », se contente d’affirmer Pierre Sorel, alors qu’Edouard Lebrun refuse de dévoiler le prix du prototype car il est nécessairement plus élevé que celui du produit fini – il ne veut pas effrayer d’éventuels acheteurs. Même constat pour le prix du produit fini et pour les brevets déposés : c’est secret-défense pour le moment.
Déjà, Pierre Sorel a entrevu une autre fonctionnalité bien pratique inhérente au LiFi : comme chaque luminaire possède une adresse IP propre, il est possible de contrôler chaque objet (un store dans la salle de réunion par exemple) très précisément. Jusque-là très satisfait, le directeur général délégué compte donc équiper de LiFi six salles de réunion de ses nouveaux locaux, qui seront inaugurés à la Défense, à Paris, au début 2017. Lucibel, de son côté, planche sur la miniaturisation de son récepteur afin, à terme, de le réduire à une « clé LiFi ».
{"type":"Banniere-Basse"}