On croyait le dramaturge britannique sombre et cynique. Mais c’est un tout autre portrait qu’on découvre dans les journaux que tenait sa femme Antonia Fraser. Romantique et heureux, tel était Harold Pinter.
Pourtant, dans un entretien à la Paris Review en 1966, Pinter déclarait : “Finalement, les politiciens m’ennuient, bien que je reconnaisse qu’ils sont responsables de bien des souffrances. Je n’ai aucune confiance dans aucune forme de statement idéologique.” Antonia Fraser précise : “C’est après être devenu “le plus chanceux des hommes” (être tombé amoureux de Fraser – ndlr), selon une expression qu’il aimait à répéter, qu’Harold a commencé à accorder de plus en plus d’importance à la politique. Je me suis demandé si cet intérêt ne serait pas né plus tôt chez lui s’il n’avait été occupé à combattre ses propres démons, et les combattre jusque dans son oeuvre. (…) Les fréquentes prises de position d’Harold au sujet des droits de l’homme ne plaisaient à personne – sauf aux gens qu’il défendait. (…) Il était profondément attaché à la justice, désirait ardemment la voir régner dans le monde entier, et détestait l’autoritarisme partout où il en percevait l’existence, comme il l’avait toujours fait depuis son enfance dans l’East End. (…) Harold mettait toutes les règles en doute, sauf celles du cricket – ce qui résumait assez bien son attitude.”
Même dans l’écriture de ses pièces, lui qui confiait à la Paris Review se laisser dicter ses textes par ses personnages, comme s’il s’agissait d’individus réels dont il devait respecter la liberté. Même s’il tenait au cadre théâtral (la présence du rideau) et se décrivait comme un dramaturge classique.
Vous partez déjà ? dresse le portrait émouvant d’un libre-penseur et tout simplement d’un homme libre, drôle, fantaisiste, jamais dans les conventions. “Vivre avec Harold était passionnant parce qu’il se comportait exactement comme les artistes se comportent dans les livres mais le font rarement dans la vie”, écrit Fraser. Le plus beau des compliments.
Vous partez déjà ? (Ma vie avec Harold Pinter) d’Antonia Fraser (Baker Street), traduit de l’anglais par Anne-Marie Hussein, 406 pages, 22 €
Photo : Harold Pinter et Antonia Fraser à New York, à la fin des années 70.