On croyait le dramaturge britannique sombre et cynique. Mais c’est un tout autre portrait qu’on découvre dans les journaux que tenait sa femme Antonia Fraser. Romantique et heureux, tel était Harold Pinter.
“Plus tard, les tabloïds ont beaucoup insisté sur la différence de milieux entre nous, sur le jeune homme juif de l’East End issu de la classe ouvrière et l’aristocrate, noble et catholique. Mais à 40 ans, nous nous étions beaucoup éloignés de nos milieux respectifs, et de tels stéréotypes étaient plus faits pour les gros titres que proches de la vérité. Harold était en effet techniquement issu de la classe ouvrière – son père avait travaillé dans une usine de vêtements de confection – mais, depuis le succès du Gardien, en 1960, il pouvait s’estimer tout à fait à l’aise financièrement (…). En réalité, au milieu des années 1970, comme Harold et moi étions tous deux, chacun à sa façon, des écrivains connus, nous appartenions au même milieu, celui que je préférais, le milieu de la bohème.”
Six mois après leur rencontre, ils s’installent ensemble. Pinter signe Trahisons, une pièce inspiré de sa liaison avec la journaliste télé Joan Bakewell alors qu’il était encore marié à Merchant, écrit le scénario du Dernier Nabab de Scorsese, que produit son ami Sam Spiegel, et celui de La Maîtresse du lieutenant français.
Les mauvaises langues disent que Pinter, moitié Beckett, moitié Hemingway selon Fraser, est resté injustement un mythe littéraire puisqu’il n’aurait plus rien produit de très intéressant depuis le milieu des années 70 (il semble, depuis, avoir passé plus de temps à jouer, à mettre en scène ou à écrire des scripts qu’à écrire des pièces). Mais il demeure l’une des grandes et rares figures intellectuelles à s’être engagée politiquement. Dans la défense des écrivains dissidents de l’Est (Fraser raconte leur visite à Vaclav Havel, alors écrivain sortant tout juste de prison), de Salman Rushdie contre la fatwa, contre les dictatures d’Amérique du Sud, et récemment contre les Etats-Unis et la guerre en Irak.